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#finance "L'irrésistible attrait de #GoldmanSachs "-campagne de recrutement cet été,a reçu ...250 000 dossiers!

#finance "L'irrésistible attrait de #GoldmanSachs "-campagne de recrutement cet été,a reçu ...250 000 dossiers! | Infos en français | Scoop.it

#incroyable #finance #éthique  "L'irrésistible attrait de #GoldmanSachs "- cette banque grandement responsable de la crise a lancé une campagne de recrutement cet été et a reçu ...250 000 dossiers!

La célèbre banque Goldman Sachs a lancé une campagne de recrutement pour cet été et a reçu 250’000 dossiers d’étudiants ou de jeunes diplômés. Le nombre de postulations a augmenté de 40% depuis 2012. Tous ces chiffres ont été publiés par le Financial Times. L'interview de Marc Chesney professeur de finance à l’Université de Zurich.

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On en sait davantage sur les manipulations systématiques du Libor

On en sait davantage sur les manipulations systématiques du Libor | Infos en français | Scoop.it
UBS SA, en octobre 2008, a eu besoin de près de 140 milliards de francs pour lui éviter de se trouver en cessation de paiements
Juan Carlos Hernandez's insight:

«Vers la fin de 2008, UBS a reçu presque 60 milliards de francs de la Confédération helvétique et de la Banque nationale suisse ans et a emprunté plus de 77 milliards à la Banque centrale américaine». Cette citation figure au chiffre 123 de la convention signée entre le Département de justice américain et UBS SA relative aux manipulations du taux d’intérêt appelé Libor auxquelles certains des employés de la grande banque suisse se sont livrés. En préambule de cette convention, il est indiqué que les parties reconnaissent que les informations qui suivent sont «véridiques et exactes».

Avant de revenir sur la problématique du Libor, il faut s’arrêter un instant sur cette information qui n’a jamais fait l’objet d’une quelconque communication du Conseil fédéral ou de la Banque nationale, et n’a pas davantage, à notre connaissance, été mentionnée dans la presse.

Ainsi, à la mi-octobre 2008, UBS SA n’a pas seulement sollicité une aide exceptionnelle en Suisse, mais a simultanément sollicité un prêt plus substantiel de la part de la Banque centrale américaine (la Fed). Les deux communications faites à l’époque par le Conseil fédéral et par laBanque nationale sont en tous cas muettes sur l’emprunt de UBS SA auprès de la Fed.

Les 60 milliards helvétiques n’ont donc représenté qu’une partie du soutien dont UBS a e

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UBS ou l'industrialisation de la fraude fiscale | Mediapartv #suisse #banksters

UBS ou l'industrialisation de la fraude fiscale | Mediapartv #suisse #banksters | Infos en français | Scoop.it

07 DÉCEMBRE 2012 | PAR MARTINE ORANGE ET DAN ISRAEL

(Les noms des salariés d'UBS, licenciés pour avoir dénoncé la fraude, ont été initialisés afin de les protéger.)

La visite de la présidente de la confédération suisse, Éveline Widmer-Schlumpf, ce vendredi après-midi à l’Élysée, n’a sans doute pas été qu’une visite de courtoisie à l’égard de François Hollande. Les deux dirigeants ont beaucoup de choses à discuter, notamment en matière fiscale. Quelque 100 milliards d’euros d’avoirs français, selon les estimations les plus basses, ont trouvé refuge en Suisse.

Les attaques répétées des pays européens et des États-Unis contre le secret bancaire suisse, les banques suisses et l’évasion fiscale inquiètent de plus en plus les responsables de la confédération helvétique. La Suisse a bien tenté de trouver un arrangement en proposant l’accord Rubik : les banques suisses proposent de prélever des impôts – faibles – sur les comptes des ressortissants étrangers et d'en reverser le produit aux différents pays concernés. En contrepartie, les clients étrangers sont assurés de conserver leur anonymat et de ne plus être poursuivis par le fisc de leur pays.

Après le refus de parlementaires du Bundestag d'adopter un tel accord – contre l’avis du gouvernement Merkel –, le plan Rubik est donc compromis. La France, qui s’interrogeait sur la suite à donner à cette proposition, peut difficilement y souscrire dans les circonstances actuelles. Dans son rapport (consultable ici), la commission d'enquête du Sénat sur l'évasion des capitaux et des actifs hors de France disait son opposition à cette proposition fiscale.

Au menu de ces discussions, un autre sujet risquait de s’inviter : l’Union des banques suisses (UBS). Car le sujet devient brûlant. Le dossier est resté enterré pendant des mois chez le procureur général de Paris et y serait peut-être resté sans les révélations fracassantes du journaliste Antoine Peillon dans son livre Ces 600 milliards qui manquent à la France.

© dr
Depuis, tout s’est accéléré. En avril, un juge d’instruction, Guillaume Daïeff, a été désigné pour enquêter sur les pratiques d’évasion fiscale de la banque en France. Depuis, le siège d’UBS à Paris, ses succursales à Bordeaux, Strasbourg, Lille ont été perquisitionnés. Les directeurs des bureaux d’UBS à Strasbourg et Lille ont été mis en examen pour complicité de démarchage illicite. Et un des anciens directeurs d’UBS France, Patrick de Fayet, a été mis en examen à la mi-novembre pour complicité de démarchage illicite, blanchiment et recel.

Arrivé il y a six mois à la tête d’UBS France et de Monaco, après avoir été un des responsables du Crédit agricole, Jean-Frédéric de Leusse assure avoir mené des audits internes approfondis qui n’ont rien révélé. Pourtant, le juge Daïeff s’apprêterait à mettre en examen en tant que personne morale UBS France et UBS Suisse pour complicité de démarchage illicite et mise en place d’un système d’évasion fiscale dans les prochaines semaines.

Enquête pénale
C'est un séisme pour le monde bancaire suisse, d’autant que l’affaire française ne fait que confirmer des charges déjà très lourdes. UBS a industrialisé son système d’évasion fiscale partout dans le monde. Dès 2007, la justice américaine avait attaqué la filiale américaine de la banque pour ces pratiques. La banque, qui s’offusquait dans un premier temps d’être traitée comme un organisme criminel, avait fini par négocier avec la justice américaine en acceptant de payer 700 millions de dollars d’amende et de livrer les fiches de 1 450 de ses clients américains au fisc des États-Unis.

Accepter une telle entorse au légendaire secret bancaire suisse prouvait que le dossier était des plus sérieux.

Depuis, les dénonciations des agissements se multiplient. La banque se trouve sous pression en Allemagne. Elle a dû fermer quatre succursales et ses clients font l'objet de nombreuses perquisitions. En début de semaine encore, le Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie a acheté un CD contenant des informations sur 750 fondations et sur des placements dépassant les 3,5 milliards de francs suisses (environ 3 milliards d’euros). UBS a protesté en indiquant que les données avaient été volées par un salarié indélicat qui les a revendues par la suite.

Les responsables allemands ont décidé de ne pas s’embarrasser de ces remontrances et comme ils l’avaient déjà fait dans le passé, ils ont confié au fisc allemand les données afin qu’il les exploite, en attendant les premières perquisitions et redressements. Après avoir saisi les fichiers HSBC, la France, elle, avait préféré s’incliner devant les arguments suisses et a renvoyé les fichiers – tronqués d’ailleurs – sans les avoir exploités (lire l'entretien du procureur Éric de Mongolfier à ce sujet).

Mais cette fois, l’affaire risque d’être plus difficile à négocier avec les autorités françaises. Car il n’est plus possible de l’étouffer. Dès mai 2009, l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP), chargée de surveiller les banques et les assurances, avait été avertie des agissements illicites d’UBS en France, et notamment de la prospection systématique des grands fortunes et des ménages aisés français par des cadres de la banque salariés, ce qui est strictement interdit par la loi.

Dix-huit mois plus tard, l’ACP, à la suite d’une nouvelle dénonciation anonyme fort documentée sur les pratiques de la banque en France, ouvrit officiellement le dossier. Un fait aurait dû lui mettre la puce à l’oreille plus tôt : comment était-il possible que la filiale française d’UBS, spécialisée uniquement dans la gestion de fortune, activité normalement très lucrative, soit systématiquement déficitaire depuis son installation à Paris en 2000 ? Pourquoi le groupe, censé être bon gestionnaire, ne prenait aucune mesure mais au contraire continuait à développer son maillage en France ?

Mais ce qu’allaient découvrir les contrôleurs dans leur enquête dépassait tout ce qu’ils auraient pu supposer : la banque organisait sur une large échelle et sur tout le territoire une évasion fiscale massive vers la Suisse, masquée par une comptabilité occulte et parallèle. Des cadres dirigeants jusqu’au sommet de la banque étaient totalement impliqués dans la fraude.

L'identité des clients et les numéros de leurs comptes clandestins étaient notés à la main dans « le carnet de lait » avant d'être reportés dans un répertoire occulte baptisé « fichier vache ». Tout cela était totalement caché dans les comptes français de la banque mais soigneusement noté en Suisse. Car le calcul des bonus des cadres était aussi fonction des clients et des fortunes qu’ils avaient su rediriger vers la Suisse.

« Pratiques illicites »
Les dirigeants de la banque en France comme en Suisse ne pouvaient ignorer ce mécanisme, qui ressemble étrangement à celui qui avait été mis au jour par la justice américaine aux États-Unis. Ils avaient été avertis par plusieurs salariés français et suisses d’UBS, qui avaient dénoncé la fraude. Tous ceux qui ont osé dénoncer ce système frauduleux ont été au mieux écartés et mis dans un placard, ou licenciés pour faute grave, sans indemnités.

En attendant la justice pénale, c’est devant les conseils des prud’hommes que se tient le procès d’UBS. Les témoignages entendus sont bien éloignés de ce qui se dit habituellement devant une chambre sociale. Ainsi, lors du procès en mai 2010 de Serge H. (lire notre boîte noire), ancien responsable de l’agence de Strasbourg d’UBS, licencié pour faute grave, Stéphanie G., une ancienne salariée – licenciée elle aussi – chargée de l’événementiel, mais aussi secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), témoignait des agissements à l’intérieur de la banque.

Répondant affirmativement à une question du juge demandant si elle avait eu connaissance de pratiques illicites de la banque, elle poursuivait ainsi :

« Certains cadres commerciaux m’ont expliqué les pressions qu’ils subissaient. J’ai vu des documents prouvant que le carnet du lait existe et certains m’ont expliqué qu’ils avaient des objectifs inatteignables, qu'ils devaient collaborer de manière proche avec des cadres commerciaux étrangers et que cette collaboration était demandée lors des séminaires. »

À la question du juge lui demandant si ces pressions avaient été évoquées lors dans le cadre du CHSCT, elle répondait :

« Absolument, lors de plusieurs réunions du CHSCT, notamment le 24/03/09 et le 30/06/09, les pressions exercées sur les salariés ont été évoquées. Les PV mentionnent expressément l’existence d’opérations illicites avec des pièces jointes qui étayaient mes propos. Je peux affirmer, pour les avoir vus dans les locaux français et dans les événements que j’organisais, la présence d’au moins 25 cadres commerciaux suisses. » Avant de conclure son témoignage par cette phrase : « À titre personnel, la banque a porté plainte pour diffamation non publique contre moi le jeudi 28 janvier pour une partie du PV du CHSCT du 30/06/2009. »

Lors de son procès devant les prud’hommes, Nicolas F., ancien auditeur interne de la banque, qui contestait aussi son licenciement pour faute grave, « pour avoir, selon la banque, accusé, sans aucune réserve, UBS France d’avoir organisé un système d’aide à l’évasion fiscale et à la fraude fiscale internationale » (…) alors qu’«une en uête interne – déjà ! – a conclu à l’absence d’agissements illégaux de la part d’UBS France ». Le conseil des prud’hommes donnait le 30 juin 2012 entièrement raison à l’ancien auditeur.

Dans son jugement, il indiquait que celui-ci avait été « licencié pour avoir refusé de souscrire aux pratiques illicites de UBS France et de la banque UBS ». Jugeant que son licenciement était sans raison réelle ni sérieuse, le juge ordonnait à la banque de lui verser l’intégralité de ses indemnités assorties de ses intérêts légaux et à rembourser Pôle emploi pour les indemnités chômage.

Attendus implacables
Mais ce sont les attendus du jugement qui sont les plus terribles et les plus implacables. Toutes les pratiques d’UBS en France s’y trouvent décortiquées. Il en va ainsi de la comptabilité parallèle et de ses « carnets de lait » :

« M. Nicolas F. explique que le système de compensation trouvait sa source dans une comptabilité parallèle pour les opérations de transferts de fonds de France vers la Suisse qui n’étaient pas déclarés aux autorités fiscales françaises (…) La SA UBS France ne conteste pas l’existence de ces carnets mais soutient que leur but était parfaitement licite. Cependant, il paraît étonnant que toutes les opérations réalisées par la SA UBS France ne soient pas enregistrées d’une seule façon par un système informatique unique et que certaines opérations donnent lieu à l’utilisation de carnets de lait. Attendu que le fait que le carnet de lait ne soit utilisé que pour les opérations de transferts de fonds entre la France et la Suisse ne manque pas non plus de surprendre (…). »

Le jugement s’arrête aussi sur le démarchage systématique des commerciaux suisses en France : « La porosité étonnante entre les filiales française et suisse de la banque UBS est aussi attestée (…) Les pratiques peu transparentes de la banque UBS sont également illustrées par l’organisation de réunions de résidents français avec des commerciaux, que l’objet de ces réunions apparaît si peu licite qu’il était fait interdiction de les mentionner. »

Il poursuit : « Cette recherche d’opacité est aussi attestée par un compte rendu de réunion du 10 juillet 2002 dans lequel il est expressément indiqué que l’échange d’informations concernant l’activité transfrontalière, c’est-à-dire les transferts de fonds de résidents français vers la Suisse, ne devait se faire que par téléphone, ce qui exclut tout trace écrite. »

Le juge relève aussi les règles de conduite imposées aux commerciaux suisses, décrites dans un document interne de la banque fourni à l’audience, dans le cas de leurs déplacements professionnels à l’étranger. « Sa lecture est édifiante sur les comportements demandés par la banque à ses commerciaux lors de tout contact avec une autorité quelconque (douaniers, police) des pays tiers », relève-t-il. Il raille la réponse d’UBS France qui avait justifié que ce « document ne s’appliquait que pour les situations dangereuses » : « Cependant aucune mention dans ce document ne permet de considérer que son application était exclue dans les pays démocratiques tels que la France. »

UBS France a fait appel de ce jugement. On comprend que la banque ait envie de faire disparaître toutes les traces de ces accusations par la justice. Mais tout cela risque d’être vain. Pour UBS France, manifestement, les ennuis ne font que commencer.

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Fraude fiscale : comment le pouvoir protège UBS
28 MARS 2012 | PAR MARTINE ORANGE POUR MEDIAPART

C’est une enquête implacable. Témoignages et documents à l’appui, Antoine Peillon, grand reporter à La Croix, plonge dans les coulisses de l’évasion fiscale à grande échelle. Celle qui est censée avoir disparu depuis la crise financière mais qui continue à prospérer, grâce aux paradis fiscaux et circuits financiers toujours aussi bien protégés. Rien que pour la France, 600 milliards d’euros, soit environ 10 % du patrimoine français, ont ainsi trouvé refuge sous des cieux plus cléments, selon les estimations. Plus de deux milliards d’euros continuent chaque année à s’évaporer pour échapper au fisc.

© DR
Une banque est au cœur de cette enquête : UBS. L’établissement suisse a déjà été condamné par la justice et le fisc américains pour évasion fiscale et a dû payer des amendes records et accepter de livrer les noms de ses riches clients pour pouvoir continuer de travailler aux Etats-Unis. Ce livre révèle que les délits mis au jour aux Etats-Unis ont été dupliqués en France. Installée depuis 1999 dans l'Hexagone, la banque a prospecté systématiquement la clientèle fortunée pour lui proposer d’échapper à l’impôt. Grandes fortunes, patrons du Cac 40, sportifs, gens du show business : tous ont succombé à ses sirènes. Ayant des listings complets, Antoine Peillon donne des noms, parfois surprenants, allant jusque dans l’intimité du pouvoir. Les amateurs de football en particulier risquent d’être désappointés : les joueurs vedettes, clients à l’évasion fiscale par le biais d’UBS, sont si nombreux qu’ils peuvent constituer une équipe.

Mais le plus surprenant n’est pas là. Dans son livre, Antoine Peillon montre qu’au sein même d’UBS, comme dans les organismes chargés de lutter contre le blanchiment et la fraude comme Tracfin, ou dans les autorités de tutelle, et même à la DCRI, des personnes n’ont cessé de donner l’alerte sur les dérives de la banque, sur la mise en place de circuits parallèles à grande échelle pour organiser l’évasion fiscale. Le journaliste cite des mémos, des notes, des mails transmis à leur direction, à d’autres autorités, à la justice. Des plaintes ont été déposées. Et pourtant, rien ne se passe.

Tandis que le ministre des finances de l’époque, Eric Woerth, agite devant les caméras des fichiers de HSBC de 3 000 noms d’évadés fiscaux − affaire qui d’ailleurs ne débouchera sur quasiment rien −, les autorités enterrent soigneusement le dossier UBS, bien plus sérieux. Les points à éclairer pourtant ne manquent pas alors : le seul scandale Madoff avec ses ramifications en Europe autour du fonds luxembourgeois Luxalpha, géré par UBS en relation avec BNP Paribas, aurait justifié des investigations. Le Parquet de Paris, saisi de ce dossier depuis plus de deux ans, n’a pas jugé bon d’ouvrir la moindre instruction. Une étrange clémence qui, pour nombre de témoins du livre, ne peut s’expliquer que par un financement politique illégal.

Mediapart.- L’évasion fiscale est un problème immense. Pourquoi s’attacher seulement aux pratiques d’UBS ?

Antoine Peillon.- UBS illustre toutes les dérives de l’évasion fiscale. Cette banque a déjà fait l’objet d’enquêtes et de condamnations aux Etats-Unis pour ses pratiques. Mais l’on s’aperçoit que ce qui pouvait être vu comme des dérives particulières à Miami ou à New York est en fait un système généralisé. Les mêmes méthodes, les mêmes buts se retrouvent en France. L’évasion fiscale est au cœur de ses pratiques. Les autorités françaises sont au courant. Mais tout est enterré.

Ce livre part d’une révolte de personnes, ces « héros ordinaires » comme dit Eva Joly, qui sont totalement dégoûtées par ce silence. Je sens depuis deux ans un discours d’alerte chez les fonctionnaires de la DCRI. Ce sont des policiers républicains, qui ont une conception de la sûreté au nom du peuple français. Ils jugent qu’un seuil a été franchi, qu’on leur demande de faire des choses indignes de la République. Ce sont eux qui m’ont alerté en août 2011 du scandale UBS.

Il existe une sous-direction à la DCRI chargée de toutes les affaires économiques et financières. C’est une sous-direction très importante : l’argent reste toujours le nerf de la guerre, que ce soit en matière criminelle ou pour le terrorisme. Les enquêteurs de ce département à la DCRI se sont vu interdire d’enquêter sur UBS, en dépit des multiples alertes et documents reçus. Le dossier est classé secret défense. Tout est soigneusement contrôlé, verrouillé au plus haut niveau, et remonte jusqu’à l’Elysée. Derrière l’évasion fiscale, le financement politique n’est jamais loin. (Voir début du premier chapitre à la fin de l'entretien.)

Carnets de lait et fichiers Vache
Selon votre livre, les problèmes sont repérés très tôt chez UBS.

UBS a créé une filiale, spécialisée dans la gestion de fortune, en 1999, en France. Mais dès 2002, Tracfin, l’organisme chargé de lutter contre le blanchiment et l’argent sale, fait un signalement très sévère auprès du ministère des finances et des autorités bancaires. Elle reproche à la banque d’accepter des clients soupçonnés d’escroquerie, de corruption, mais aussi de trafic d’armes, de terrorisme, voire de trafic de matière nucléaire. L’avertissement de Tracfin est pris très au sérieux par la direction de la banque. Elle renvoie les commerciaux peu regardants et ambitieux qui ont recruté cette clientèle douteuse et elle charge un audit interne de faire toute la lumière sur ces comptes spéciaux.

Les responsables de l’audit commencent à tout vérifier. Ils sont en contact permanent avec Tracfin. Quand ils découvrent des comptes et des mouvements suspects sur les comptes de sociétés aussi sensibles que la société nationale des hydrocarbures du Cameroun ou Pétrole Tchad, ils alertent les services de renseignements ou judiciaires. Ceux-ci sont naturellement entrés dans le jeu.

Mais les responsables de l’audit interne ne se contentent pas de contrôler les comptes dangereux, ils commencent à éplucher le reste, notamment les frais généraux de la direction Sport and Entertainment group. Et c’est là que tout se gâte. Car cette direction est chargée de prospecter la clientèle fortunée des sportifs, des hommes d’affaires, des personnalités du show business. Elle les recrute à grand frais en les invitant à des événements sportifs ou culturels, des voyages ou autre, avant de leur proposer une gestion de fortune sur mesure, bâtie sur l’évasion fiscale.

Si la direction était prête à faire le ménage sur tous les comptes douteux, elle n’est pas du tout d’accord pour faire la lumière sur ce qui est au centre de son système. A partir de 2004, le responsable de l’audit interne rencontre donc les plus grandes difficultés avec sa direction. Les systèmes informatiques tombent en panne, des fichiers sont détruits, des boîtes mails nettoyées, les auditeurs subissent menaces et vexations. En 2009, toute l’équipe de l’audit interne a été inscrite dans le plan social de la banque. Il fallait les exclure, ils étaient au courant de bien trop de choses.

Les documents que vous publiez mettent en lumière une pratique presque industrialisée de l’évasion fiscale.

Tout est prévu. L’évasion fiscale suppose le secret et la suppression de toute trace. La banque est donc obligée de tenir une double comptabilité. D’un côté, les comptes normaux où sont enregistrés tous les mouvements bancaires, de l’autre, les sommes qui doivent être mises à l’abri du fisc dans tel paradis sont notées à la main sur des petits carnets, appelés « carnets de lait ». « Carnet de lait » signifie traire la vache, à laquelle la France est assimilée, comme l’expliquera plus tard l’avocat de la secrétaire du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), traduite devant la justice par la banque pour avoir osé dénoncer la fraude fiscale massive.

Les indications de ces carnets sont ensuite retranscrites chaque mois sur de simples fichiers Excel, nommés Vache puis envoyés en Suisse. Chacun le fait scrupuleusement car c’est à partir de ces indications que sont calculés les commissions et les bonus auxquels ont droit les commerciaux.

Que dit la direction suisse d’UBS ?

Elle ne peut pas ne pas être au courant des pratiques de sa filiale française. Elle sait tout. Toutes les données informatiques lui sont transmises. Les Français seraient d’ailleurs étonnés de voir combien le système français est transparent pour la maison mère.

Mais ces pratiques d’évasion fiscale commencent à poser problème. La Suisse est un vrai pays démocratique. Depuis la crise, il y a des vrais débats sur la puissance des banques qui ont coûté très cher au pays, sur le secret bancaire, sur leurs pratiques. Au sein même d’UBS suisse, j’ai eu des contacts avec des personnes, qui surprendraient si on connaissait leur identité. Même au plus haut niveau, il y a des personnes sincères qui sont révoltées par de telles pratiques, d’autant que, dans le même temps, UBS affiche la vertu,allant jusqu’à imposer des codes vestimentaires.

La passivité des autorités de contrôle
A partir de 2007, des responsables en France envoient un certain nombre de mises en garde, que vous citez dans votre livre, pour protester contre les pratiques d’évasion fiscale, qu’ils avaient mises en œuvre jusqu’alors sans discuter. Pourquoi se révoltent-ils brusquement ?

D’abord, parce que c’est trop. Il y a manifestement eu une accélération de l’évasion fiscale en 2006. Et puis, c’est le moment où les autorités américaines intensifient leur enquête sur UBS. Plus personne ne peut fermer les yeux. Ils savent tous qu’ils sont dans l’illégalité. Ils savent qu’ils prennent des risques et que cela peut leur retomber dessus. Alors, ils prennent les devants. Ils se confient à un témoin interne, le responsable de l’audit, lui envoient des informations. Et celui-ci informe toutes les autorités compétentes.

La passivité des autorités bancaires est très surprenante pendant toute cette période. N’avaient-elles aucun moyen de repérer les agissements d’UBS et de réagir ?

La première − et pour l’instant la seule − réaction d’UBS au livre a été de contester le fait que la filiale française a toujours été en perte depuis sa création. Pourquoi s’arrêter sur ce seul fait ? Parce qu’il est très important. Comment expliquer qu’une banque, spécialisée notamment dans la gestion de fortune où l’activité est rémunérée par des commissions, soit constamment en perte pendant douze ans ? Comment expliquer que la maison mère tolère cette situation sans prendre des mesures ?

Ce seul fait aurait dû attirer l’attention des autorités bancaires. Mais il faut comprendre leur fonctionnement. Ce sont des personnes très frileuses, qui ne sont pas là pour s’opposer aux banques. Leur mission est d’abord d’assurer la protection du secteur bancaire, pas de lutter contre l’évasion fiscale, qui est une sorte de sport national en France.

Cela dit, depuis deux ans, le climat a changé. L’autorité de contrôle prudentiel enquête sur UBS. Elle a reçu des liasses de documents en 2009, en 2010 et 2011. Elle n’est pas dupe de ce qui se passe, et a compris l’ampleur du problème. Mais les enquêteurs de l’ACP n’ont pas de pouvoir d’investigation et de perquisition. Ils ont déjà transmis par deux fois, en 2010 et en 2011, des notes détaillées au Parquet de Paris sur UBS. Le parquet s’est assis dessus. L’équipe de l’ACP est exaspérée.

Dans votre livre, il y a une absence obsédante et de taille : le ministère des finances. Comment se fait-il qu’il ne soit jamais présent ? Ne pouvait-il pas être au courant ?

Comment n’aurait-il pas pu être au courant ? Toutes les notes Tracfin arrivent sur le bureau du ministre des finances. Les premières alertes ont lieu, au moment où Nicolas Sarkozy est ministre des finances. Ma conviction intime est qu’il n’ignore rien du système, mais qu’il a pu l'utiliser son profit. L’étrange impunité dont bénéficient UBS et ses clients ne peut que poser question.

Depuis qu’il a été maire de Neuilly, tout en étant avocat d’affaires, Nicolas Sarkozy a travaillé énormément sur la Suisse, sur l’évasion fiscale des sportifs. Durant toute sa carrière, il a évolué dans une triangulation entre le monde des affaires, la politique et le transfrontalier.

La révélation des comptes Bettancourt
Vos interlocuteurs à la DCRI sont catégoriques. Pour eux, le système d’évasion fiscale d’UBS couvre un financement illégal politique, ce qui expliquerait l’étrange mansuétude dont bénéficie UBS. A partir de quand et sur quels faits se sont-ils forgé une telle conviction ?

C’est à partir de 2008 qu’ils acquièrent définitivement cette conviction. 2006, 2007 ont été des années de campagne présidentielle, où le système a fonctionné à plein. C’est à ce moment-là que cela commence à craquer à l’intérieur de la banque. Il y a des traces. Les comptes UBS de la famille Bettencourt ont joué un rôle majeur dans cette prise de conscience. Les mouvements enregistrés entre la BNP, Dexia, Generali, UBS ne leur laissent aucune illusion. Ils ont pisté tous les allers et retours.

Dès 2008, la DCRI est donc au courant de l’affaire Bettencourt ?

Oui, dès 2008, ils ont retracé les mouvements des comptes. Les informations sont d’abord données par oral puis donneront lieu à une note écrite en 2009, c’est-à-dire plus d’un an avant que l’affaire n’éclate. De plus, les renseignements qu’ils ont récoltés par ailleurs sur les listes d’invités aux soirées d’UBS, les clients prospectés, ne laissent guère de doute : ils évoluent tous dans le même milieu. Mais le travail de la DCRI reste confiné dans l’enceinte.

A combien peut-on estimer l’évasion fiscale rendue possible par le système UBS ?

Il y a des années particulièrement fastes, comme 2006. Dans sa plainte, qui sera d’ailleurs classée sans suite, la secrétaire du CHSCT évoque pour cette année-là la somme de 274,8 millions d’euros. Mais c’est une année particulière, juste avant la campagne présidentielle. En moyenne, mes sources l’évaluent à environ 90 millions d’euros par an. Ce qui fait quand même un milliard sur dix ans. Selon mes interlocuteurs, il faut multiplier par vingt le chiffre d’UBS pour avoir un ordre de grandeur de l’évasion fiscale en France chaque année. Pour eux, cela tourne autour de 2 milliards d’euros par an.

Et à combien estiment-ils le retour de cette évasion sous forme de financement politique illégal ?

Impossible à chiffrer. Mais tous mes interlocuteurs m’ont dit la même chose : les corrompus ne demandent presque rien. S’ils savaient ce que leurs passe-droits et les avantages consentis rapportent aux corrupteurs, ils leur demanderaient beaucoup plus. Entre le monde des affaires et le financement politique, les rapports sont sans commune mesure.

Que sont devenus ces héros ordinaires, ceux qui ont accepté de témoigner en prenant beaucoup de risques ?

Ils ont été photographiés, suivis, mis sur écoute, menacés. Les salariés d’UBS ont pour la plupart été licenciés et sont en procès avec la banque. Pour les membres de la DCRI, c’est une autre histoire. Ils sont en piteux état. Ces fonctionnaires républicains sont marginalisés, ils se sentent surveillés, très faibles. Ceux qui le pouvaient sont partis. Tous le disent. Cette élection est celle de la dernière chance de vivre dans la République.

 

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le sulfureux Carlyle Group rachète Getty Images pour 3,3 milliards de US $ #photo #photographie #culture #banques

lu dans le New York Times que la sulfureuse (voir liens plus bas) société d'investissements financiers Carlyle Group a acheté Getty Images pour 3,3 milliards de dollars US (2,7 milliards d'Euros)

JPMorgan Chase, Barclays, Credit Suisse, Goldman Sachs and RBC Capital Markets financent le prêt.

Getty Images est actuellement la plus grande agence photographique du monde avec un stock de 80 millions de photos.

Le monde de la finance continue ainsi à faire main basse sur les médias. Sachez, par exemple, que Libération appartient à la Banque Rotschild ou que El Pais est détenu à raison de 67% par Goldman Sachs, UBS, Carlos Slim, Crédit Suisse, JP Morgan et une nuée d'autres investisseurs très présents sur les "marchés".

Pour rappel, le groupe a ou a eu parmi ses membres actifs l’ancien Premier ministre britannique John Major,James Baker, ancien secrétaire d’État américain, George Bush père, ancien directeur de la CIA et ancien président des États-Unis, Frank Carlucci, ancien directeur de la CIA et secrétaire à la Défense américain, Karl Otto Pöhl, ex-président de la Bundesbank, la famille Ben-Laden et plusieurs chef d’État et de gouvernement, Olivier Sarkozy, demi-frère de Nicolas,

pour en savoir un peu plus sur le Carlyle Group :

wikipédia : http://fr.wikipedia.org/wiki/Groupe_Carlyle
http://www.guardian.co.uk/world/2001/oct/31/september11.usa4
http://1libertaire.free.fr/Carlyle19.html

source de mon info : (http://dealbook.nytimes.com/2012/08/15/carlyle-in-3-3-billion-deal-for-getty-images/)

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La banque Goldman Sachs reste au-dessus des lois | Mediapart #banksters + documentaire Arte 1h12

La banque Goldman Sachs reste au-dessus des lois | Mediapart #banksters + documentaire Arte 1h12 | Infos en français | Scoop.it

voir aussi cet excellent documentaire Arte de 1h12 : http://www.youtube.com/watch?v=YNkezcQNeBU

 

 

"C’est une bien étrange manière de marquer le cinquième anniversaire du début de la crise financière : Goldman Sachs, la banque qui symbolise toutes les déviances de Wall Street et du monde financier, ne sera pas inquiétée par la justice. Les autorités fédérales américaines ont annoncé, jeudi 9 août, qu’elles avaient clos les enquêtes menées sur le géant bancaire. « Il n’y a pas de base solide pour engager une procédure criminelle contre la banque ou ses employés», a expliqué le ministère de la justice.

Le dossier, pourtant, semblait épais. Il portait sur le sujet le plus emblématique de la crise : les agissements de la banque sur le marché des subprimes, ces produits à l’origine du déclenchement de la crise. Le président de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, était même soupçonné de parjure pour avoir menti sous serment devant les sénateurs américains.

La justice américaine s’était saisie du dossier après une enquête particulièrement destructrice d’une commission sénatoriale sur les origines de la crise financière. Pendant dix-huit mois, elle avait entendu de nombreux témoins, auditionné les principaux responsables bancaires, décortiqué des milliers de documents et de courriels internes. Dans

un très long rapport, ils avaient mis à nu toutes les dérives de Wall Street, pour finir par un constat accablant : « La crise n'a pas été le résultat d'une catastrophe naturelle, mais celui de produits financiers complexes et à haut risque ; de conflits d'intérêts tenus secrets et de l'échec des régulateurs, des agences de notation et du marché lui-même à brider les excès de Wall Street. »
Goldman Sachs tenait dans ce rapport une place de choix. Les sénateurs y confirmaient les révélations de la presse, notamment celles de Michael Lewis dans son ouvrage The big short (Le casse de siècle dans son édition française), sur le rôle de la banque dans le marché hypothécaire immobilier. Avec la Deutsche Bank, dont le poids a été aussi prépondérant dans cette affaire, Goldman Sachs a été l’acteur principal de toute l’invention financière –CDO, RMBS, CDS– dont on découvrira la toxicité par la suite. Durant les belles années, la banque a émis pour plus de 100 milliards de dollars de produits titrisés sur l’immobilier.

Maximiser le profit
Dès décembre 2006, Goldman Sachs voit les signes annonciateurs de la catastrophe: les défaillance des ménages, incapables d'honorer leurs mensualités, se multiplient. A cette date, Goldman détient plus de 15 milliards de dollars de subprimes et de produits titrisés en portefeuille. L’ordre est donné de vendre à tout prix. La banque invente notamment le fonds Abacus, où elle met une partie de ses produits toxiques, qu’elle s’empresse de vendre à ses clients. Pendant ce temps, Goldman Sachs spécule à la baisse sur les mêmes produits. La tromperie générale est organisée.

Lloyd Blankfein© Reuters
Durant les auditions, les sénateurs découvriront l’envers du décor : le fameux trader Fabrice Tourre, qui se présente comme dans ses mails comme un génie du mensonge ; les courriels internes de la banque où les différents traders utilisent le terme de «rats» pour parler de leurs clients, ou de « volaille à plumer » lors du scandale du Libor. D’une mine contrite, Lloyd Bankfein, qui se présentait quelques mois auparavant comme le banquier qui faisait l’œuvre de Dieu, assura la main sur le cœur aux sénateurs qu’il n’était au courant de rien, et qu’il regrettait profondément ces agissements non conformes à la culture de la banque.
Et pourtant, l’enquête sénatoriale prouvera que la direction de Goldman Sachs ne pouvait rien ignorer. Dès décembre 2006, le département « crédits hypothécaires et subprimes » avait été placé sous le pilotage direct de la direction générale de Goldman Sachs, qui surveillait au jour le jour l'évolution de la situation. En quelques mois, l’exposition de la banque sur les subprimes tombe de 15 à 2 milliards de dollars. Pendant ce temps, ses positions de vente à découvert sur les mêmes produits passent de 1 à 13,6 milliards de dollars. En novembre 2007, Lloyd Blankfein écrit un mail éloquent à ce sujet aux principaux responsables de la banque :« Nous n'avons pas été totalement épargnés par le désordre des subprimes. Mais nos pertes ont été largement compensées par nos gains sur les ventes à terme. »

exposition de Goldman Sachs aux subprimes© rapport du sénat américain
Quant au changement de comportement de la banque, seuls les naïfs y croient. Dans une lettre de démission incendiaire, publiée dans le New York Times, un salarié résumait les « grands principes » d’un Goldman Sachs, obnubilé par sa propre richesse.« La banque a changé sa façon de penser le leadership (…) Aujourd’hui, si vous faites assez d’argent pour l’entreprise , vous serez placé en position d’influence », écrit-il. « Il a trois moyens rapides de devenir un dirigeant : a) persuader les clients d’investir dans des titres ou des produits dont vous essayez de vous débarrasser parce qu’ils sont jugés pas assez profitables ; b) amener vos clients à négocier un quelconque produit qui rapportera le maximum de profit à Goldman ; c ) vous trouver vous-même sur un siège où votre travail est de négocier n’importe quel produit illiquide et opaque avec un acronyme de trois lettres », dénonce-t-il.

Malgré ces lourdes charges, le ministère de la Justice indique qu’il« est arrivé à la conclusion que la charge de la preuve pour mener une procédure judiciaire était insuffisante, compte tenu de la loi et des faits, tels qu’ils apparaissent actuellement ». En d’autres termes, la justice n’a pas suffisamment les moyens légaux pour engager une action en justice. Le ministère souligne, toutefois, qu’il est prêt à rouvrir le dossier, si des éléments nouveaux apparaissent.

Personne n'est en prison»
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Goldman Sachs a appris le même jour, que la SEC, l’autorité boursière de New York, refermait, sans donner suite, une autre enquête sur ses ventes de produits titrisés. La banque était accusée d’avoir vendu d’autressubprimes en décembre 2006, en trompant ses clients. Mais là encore, la SEC n’a rien trouvé à redire.

« Nous sommes très contents de voir ce sujet derrière nous », s’est félicité un porte-parole de la banque. Comment ne pas l’être ! Elle a échappé à tout. Goldman Sachs s’est juste acquitté d’une amende de 500 millions de dollars en 2009 auprès de la SEC pour couper court à une action judiciaire sur ses agissements dans lessubprimes. La seule action au civil, qui est encore en cours, est menée contre son trader Fabrice Tourre.

Les commentaires ont été nombreux sur les sites de presse américians à la suite de la publication de cette information. Certains rappellent avec insistance que Goldman Sachs est un grand donateur des campagnes présidentielles. Comme le reconnaissait avec cynisme un trader de la banque, interrogé par la BBC, à l’automne dernier : « Ce ne sont pas les gouvernements qui dirigent le monde. C’est Goldman Sachs qui dirige le monde », avant d’ajouter qu’il espérait une récession, « car il y avait beaucoup d’argent à se faire en cas de crise ».

La décision du ministère de la justice, en tout cas, paraît lourde de conséquences. Wall Street va continuer à jouir d’une totale immunité. « Ces annonces sont aussi les dernières indications que les enquêtes fédérales sur la crise financière faiblissent, alors que le temps de la prescription approche », note le New York Times. « Depuis le début de la crise, personne n'est en prison », n’a cessé de s’affliger Charles Ferguson, réalisateur du documentaire Inside Job, dévoilant toutes les turpitudes de Wall Street. Les derniers événements lui donnent malheureusement encore raison.

 

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#MatièresPremières #Trading Dossier complet Le Temps du 3.6 sur #Trafigura #Suisse

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source : http://www.letemps.ch/Page/Uuid/5a9dd522-cbab-11e2-872a-d3ac0c71c5ae/Argent_agents_pr%C3%A9sidents_comment_les_traders_bas%C3%A9s_en_Suisse_s%C3%A9duisent_les_Etats_p%C3%A9troliers#.UaxQb4NCR2E

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MATIÈRES PREMIÈRES Lundi3 juin 2013 Argent, agents, présidents: comment les traders basés en Suisse séduisent les Etats pétroliersSylvain Besson et Pierre-Alexandre Sallier

Les relations opaques et lucratives avec les Etats sont au cœur des critiques visant le secteur du négoce. Enquête sur Trafigura, géant suisse des matières premières, au moment où un vent de transparence souffle sur cette industrie

ur la boîte aux lettres, il est écrit «chien méchant». Entourée de murs et défendue par un portail bardé de caméras, la propriété de Claude Dauphin, magnat des matières premières établi à Cologny (GE), symbolise bien ce secteur immensément riche, resté longtemps impénétrable aux regards extérieurs.

Mais aujourd’hui, cette industrie, devenue l’un des atouts de l’économie suisse, est «en train d’acquérir une visibilité qu’elle n’a sans doute jamais connue», avertissait Greg Page, directeur du géant céréalier Cargill, lors du sommet des matières premières organisé en avril à Lausanne. Il appelait ses pairs à assumer leurs «responsabilités sociales» et à faire preuve de plus de transparence. Sans quoi les Etats pourraient leur infliger des contraintes dont ils ne veulent pas, à l’image de ce qu’a subi la finance ces dernières années.

 

Le négoce de matières premières permet au producteur de métaux, de pétrole ou de céréales de vendre sa marchandise, pour ainsi dire sur le pas de sa porte, à un trader. Charge à ce dernier de dénicher le client final et d’acheminer le produit. «Notre rôle, c’est d’équilibrer l’offre et la demande entre pays excédentaires et pays en déficit: stocker lorsqu’il y a surplus, relâcher lorsqu’il y a déficit. Nous fluidifions les échanges physiques», résume Pierre Lorinet, directeur financier de Trafigura, l’entreprise fondée par Claude Dauphin il y a vingt ans.

Confidentiel à ses débuts, Trafigura est aujourd’hui un géant global comptant plus de 8000 employés. En 2012, le groupe a engrangé presque un milliard de dollars de profit. Il est devenu la troisième entreprise suisse en terme de chiffre d’affaires. Flair et efficience, alliés à une culture du travail acharnée, ont été les moteurs de son succès. Mais il y a aussi un élément dont les traders parlent moins volontiers: leur capacité à séduire les gouvernements qui contrôlent l’accès aux matières premières.

Dès les origines, dans les années 1970, il a fallu «savoir se mettre dans les bonnes grâces des pays exportateurs de pétrole», raconte Christian Weyer, ancien banquier de BNP Paribas considéré comme le «pape» du financement du négoce à Genève. «Il faut de l’astuce et du pouvoir de conviction, pour dire «confiez-moi une partie de vos exportations». Conviction? Le récent rapport du Conseil fédéral sur le négoce pose le problème avec brutalité, en notant que la «forte interaction des entreprises concernées avec les autorités étatiques» expose «particulièrement le secteur des matières premières au risque de corruption».

La nature sensible des relations entretraders et Etats transparaît dans lesdocuments diplomatiques américains révélés par WikiLeaks. Lorsque Trafigura s’étend en Amérique centrale, en 2006, Washington s’inquiète de ses liens avec le président vénézuélien Hugo Chavez. Le groupe l’aurait approvisionné en essence lors de la grève de la ­compagnie pétrolière nationale, ­PDVSA. «Trafigura, écrit un ambassadeur américain, a fourni les importations d’urgence au Venezuela en 2002 et 2003, qui ont permis au régime de Chavez de briser l’échine des syndicats de PDVSA et de purger les employés […] qui n’étaient pas jugés suffisamment bolivariens.»

 

Lorsque Trafigura remporte l’appel d’offres pour acheter une raffinerie à Saint-Domingue, en 2007, les diplomates américains, alertés par un concurrent, notent que le secrétaire au Commerce de l’île pourra déterminer le prix d’achat du pétrole importé par Trafigura et «créer un énorme cash-flowpour le parti au pouvoir».

Toutes proportions gardées, c’est ce qui s’est produit en Jamaïque en 2006. Trafigura, qui commercialise le pétrole que ce pays reçoit à prix préférentiel du Nigeria, a versé 475 000 dollars au ministre de l’Information, Colin Campbell. Selon les documents américains, l’entreprise a décrit ce paiement comme un «arrangement commercial» destiné à «rémunérer des services futurs». L’opposition, en revanche, a dénoncé un financement politique occulte.

Partout dans le monde, les traders se disputent les contrats avec acharnement. Parfois en accusant leurs rivaux de corruption. Ou en tentant de les évincer, grâce à des intermédiaires introduits au cœur du pouvoir. En 2009, au Yémen, Trafigura obtient d’exporter une partie du brut du pays grâce à son agent sur place, Ibrahim Abulahoum, puissant chef tribal ami du président. Son concurrent londonien Arcadia, appuyé par un autre chef tribal, riposte en achetant le brut yéménite à un prix artificiellement haut, pour dégoûter la compétition.

Morale de cette histoire, selon les diplomates américains en poste à Sanaa: «Chaque changement dans la façon dont ces contrats sont soumis à appel d’offres, attribués et exécutés contrarie inévitablement des intérêts commerciaux bien implantés et déplace les centres de décision au sein du gouvernement.»

 

Interrogé par Le Temps , Trafigura ne commente pas les exemples donnés plus haut – l’entreprise précise toutefois qu’elle n’est «pas partie» à l’enquête ouverte en Jamaïque. Mais selon son directeur financier, Pierre Lorinet, «notre code de conduite est très clair, c’est tolérance zéro, pas seulement en ce qui concerne la corruption, mais aussi les manipulations du marché, les sanctions internationales, le blanchiment. Les employés signent ce document en venant dans l’entreprise, chaque trader voit le chef de lacompliance [conformité] dans les trois jours.»

Trafigura estime que l’essentiel des contrats qu’il remporte est issu d’appels d’offres, qui mettent en concurrence plusieurs entreprises de façon anonymisée. Mais ces procédures peuvent être manipulées. En février, Trafigura a été écarté des achats de carburant de la société maltaise d’électricité, un marché qui s’élève à 360 millions d’euros par an. Selon l’hebdomadaire Malta Today , la société rémunérait comme «consultant» un professionnel qui donnait à ses clients des informations confidentielles sur les appels d’offres, ainsi qu’un membre du comité qui attribuait les contrats.

 

«On a fait nos propres enquêtes, et on n’a rien trouvé qui porte à croire que des activités n’auraient pas dû être faites chez nous», répond Pierre Lorinet de Trafigura. Selon lui, l’entreprise a remporté des contrats parce qu’elle est compétitive et dispose d’entrepôts à Malte. Le groupe juge «incorrecte sur le plan légal» sa mise à l’écart des appels d’offres.

En Afrique, où Trafigura réalise près du tiers de son chiffre d’affaires, la pratique des appels d’offres s’étend. Mais l’attribution de contrats pétroliers reste souvent le fruit d’un «accord avec le top», comme le dit un trader. En novembre, selon nos informations, Claude Dauphin était à Londres pour rencontrer le président du Gabon, Ali Bongo, en marge d’uneconférence pétrolière. Mais c’est Vitol, rival de Trafigura basé à Genève, qui a décroché le premier contrat de l’année 2013 octroyé par le Gabon.

En Angola, en revanche, la position de Trafigura semble imprenable. Le groupe a commencé à livrer du fioul et autres produits raffinés à ce pays, deuxième producteur de pétrole d’Afrique, dans les années 1990, lorsque la guerre civile faisait rage. Aujourd’hui, il est présent dans la distribution d’essence, le fret ferroviaire, le recyclage, l’immobilier, le transport aérien. Il a formé des joint-ventures avec la société pétrolière d’Etat, la Sonangol. Surtout, il dispose d’un quasi-monopole sur l’importation des produits pétroliers raffinés – un marché estimé à quelque 3 milliards de dollars par an.

 

«Ils ont verrouillé le pays, leur position est totalement dominante», maugrée un concurrent, qui dit avoir fait des pieds et des mains auprès des autorités angolaises sans avoir pu «toucher une goutte de quoi que ce soit». Alexandra Gillies, de l’ONG new-yorkaise Revenue Watch, parrainée par George Soros, trouve «étrange qu’un pays utilise une compagnie privée pour ses importations de pétrole. Cela montre le rôle considérable de ces sociétés dans les affaires publiques. Elles vendent le pétrole d’Etat, et elles contrôlent une part importante des dépenses gouvernementales, car l’achat de carburant est un très gros poste.»

Trafigura affirme que ses investissements réussis dans le bitume, puis la distribution d’essence – qui ont résorbé une pénurie chronique – lui ont ouvert les portes de l’Angola. «On a tenu nos engagements, obtenu des résultats, formé des gens et amélioré la situation. Cela nous a permis de trouver d’autres opportunités», explique le directeur financier, Pierre Lorinet.

Des facteurs historiques ont aussi joué. Marc Rich, figure tutélaire du trading pétrolier, qui a formé les fondateurs de Trafigura, est le premier à avoir commercialisé le brut angolais, juste après l’indépendance en 1975. Lorsque Trafigura prend son essor dans les années 1990, le groupe s’appuie sur BNP Paribas à Genève, la plus grande banque de financement du négoce. «Les gens de Trafigura ont su se rendre irremplaçables en rassemblant régulièrement les 400 ou 500 millions de dollars nécessaires pour financer l’exploitation pétrolière, raconte un ancien banquier. Ils arrivaient à convaincre les banques de les suivre grâce à la maîtrise dont ils avaient fait montre chez Rich.»

Pour investir en Angola, il faut aussi des appuis au sein du régime. «Dans le secteur pétrolier ou parapétrolier, c’est la qualité de la fiancée que vous choisissez qui va déterminer si vous grandissez vite, très vite ou pas du tout», commente un diplomate sur place. Comme le relève un rapport de la Déclaration de Berne, une ONG critique envers le négoce de matières premières, la «fiancée» de Trafigura se nomme Leopoldino Fragoso do Nascimento, alias «général Dino». Cet ancien haut gradé de l’armée angolaise détient 50% de DT Group, l’entité qui coiffe l’essentiel des activités de Trafigura dans le pays. Selon l’entreprise, c’est un homme d’affaires qui n’a pas de rôle public et n’a «jamais été employé de l’Etat». Mais son rang d’ex-officier de laCasa militar de la présidence le rattache au premier cercle du pouvoir.

 

Opposant le plus vocal au gouvernement angolais, le journaliste Rafael Marques estime que «Trafigura est la société qui a offert les meilleurs outils d’enrichissement au régime», en nouant des partenariats lucratifs avec ses représentants. Il juge aussi qu’en s’intercalant entre l’Angola et la Chine, principal acheteur de son pétrole, Trafigura a permis de «garder les profits loin d’Angola», notamment à Singapour, siège de DT Group et de la division de négoce pétrolier de Trafigura.

L’actuel vice-président de l’Angola et numéro deux du régime, Manuel Vicente, a également favorisé l’essor de Trafigura durant ses dix années à la tête de la Sonangol. Cet amateur de Pétrus, qui voyage en jet d’affaires et reçoit dans les grands palaces européens, est décrit comme un fin connaisseur des rouages financiers internationaux, «très smart», tour à tour cordial et glaçant. Dans les années 2000, il administrait une société genevoise, Crossoil, qui générait des fonds secrets à l’usage de personnalités du régime. A cette époque, «les Angolais admettaient que leur comptabilité nationale était un foutoir, que la Sonangol était leur bras agissant, qu’il y avait des vases communicants colossaux entre les comptes de l’Etat et ceux de la Sonangol», se souvient un banquier. A Genève, la compagnie nationale était connue pour pouvoir placer un milliard de dollars cash dans n’importe quelle banque. Depuis que Manuel Vicente a quitté la Sonangol, en 2012, le contrat de swap – de troc – qui permettait à Trafigura de recevoir du pétrole brut bon marché en échange des livraisons de produits raffinés a été suspendu. Sonangol aurait aussi commencé à donner certains contrats, des «petits bonbons», selon le mot d’un professionnel, à d’autres traders, dont Vitol, ce qui nourrit les spéculations sur la fin prochaine du règne de Trafigura.

Face aux attaques visant sa présence en Angola, la société de négoce se veut stoïque, et rappelle qu’elle a créé 1400 emplois directs dans le pays. «Notre code de conduite est appliqué de manière uniforme partout, on est absolument confortable avec cette situation», explique son directeur financier, Pierre Lorinet. Un banquier genevois nuance: «Ce n’est pas illégal d’avoir une position dominante dans un pays. Ça a été accordé, c’est tout. On ne viole aucune loi, mais il y a un risque de réputation.»

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MATIÈRES PREMIÈRES Lundi3 juin 2013 Claude Dauphin, un patron incontesté et redouté à la tête de TrafiguraSylvain Besson et Pierre-Alexandre Sallier

Bourreau de travail, le fondateur a marqué au fer rouge la culture de son entreprise

 Depuis deux décennies, un mystère entoure le président et directeur exécutif de Trafigura, Claude Dauphin. A 62 ans, ce fils d’un grand ferrailleur normand, qui a commencé comme négociant en métaux, n’a jamais donné d’interview – ou plutôt si, une seule fois, en 2010, dans Le Point . «Honnêtement, je me fous de l’image que l’on donne de moi», déclarait-il en racontant ses cinq mois passés en prison à Abidjan, en 2006, durant l’enquête sur les déversements toxiques du Probo Koala. Malgré des conditions de détention sordides, «c’étaient les premières vacances de ma vie», ironisait-il.

Les géants des matières premières sont souvent dominés par un noyau de dirigeants qui imprime sa marque à toute l’entreprise, même lorsqu’elle grandit de façon spectaculaire. «Dans ce genre de boîte, l’exemple vient toujours d’une tête», résume le patron d’une société concurrente.

L’histoire de Trafigura, c’est d’abord la vision des six fondateurs, dont Claude Dauphin, le seul d’entre eux encore aux commandes aujourd’hui. «Dès l’origine, ils avaient l’ambition de créer un groupe global», rappelle Pierre Lorinet, le directeur financier de Trafigura.«Ils se sont structurés au fil des années, avec des gens qui viennent d’horizons très différents, ajoute Jacques-Olivier Thomann, président de GTSA, l’association professionnelle du négoce genevois. Ils sont extraordinairement organisés dans leurs procédures, très consciencieux.»

Cette culture du contrôle et de la prudence financière était celle d’Eric de Turckheim, ancien de la banque BNP-Paribas et membre fondateur de Trafigura, qui a pris ses distances avec la conduite opérationnelle il y a quelques années. Elle cohabite avec l’instinct du pur trader qu’est resté Claude Dauphin. «C’est un visionnaire qui sniffe les trucs avant tout le monde, et les gens le respectent pour cela», dit de lui un professionnel genevois du pétrole.

Toujours installé dans un cube de verre au milieu de sa salle de trading, le patron incontesté de «Traf» présente une double face. D’abord celle d’un homme charmant, amateur de Picasso et de Modigliani, qui a su rester modeste malgré sa réussite.

 

«Il n’a pas d’ego visible, assure Christian Weyer, ancien responsable du financement du négoce chez BNP-Paribas. Il donne les moyens aux gens de réussir. Son vrai talent a été de construire une équipe unique par ses qualités humaines, soudée, solidaire, avec un état d’esprit extrêmement productif. Chez eux, pas de prima donna, pas de jalousies ou de querelles de préséance. C’est quelque chose qui existe dans les petites sociétés, moins dans les grandes.» Mais tout n’est pas qu’altruisme et amour du prochain chez Trafigura. Claude Dauphin a la réputation d’être un bourreau de travail, aussi dur avec lui-même qu’avec ses employés. Ceux qui ont le privilège d’embarquer dans son jet privé doivent s’attendre à travailler non-stop, sans une minute de repos. L’histoire du cadre dirigeant expatrié abruptement en Afrique du Sud, alors qu’il venait d’investir des millions dans une belle propriété au bord du Léman, fait encore jaser le monde pétrolier genevois.

«Endroits pourris»

Ceux qui les fréquentent de l’extérieur dépeignent les employés de «Traf» comme des êtres «taillables et corvéables à merci», que leur patron peut appeler n’importe quand pour «mettre la pression», les hommes toujours en complet cravate, cheveux courts. Et très bien payés, ce qui assure leur loyauté envers l’entreprise.

Il est resté chez Trafigura quelque chose de la culture de Marc Rich, estime Daniel Ammann, auteur d’une biographie du grand trader américain: «Pour moi, les gens de Trafigura sont vraiment ses héritiers, agressifs, rapides, sachant saisir les opportunités, avec cette capacité d’aller à la limite, aussi au sens géographique, c’est-à-dire aux frontières du monde.» Ce qui implique, pour certains employés, «un choix de vie radical, passer la moitié de son temps dans des endroits pourris et surtout ne pas avoir peur de prendre des risques «perso», ajoute une source qui les côtoie en Afrique.

En 2009, l’entreprise a engagé un consultant d’élite, Kieran Looney, pour stimuler les performances de ses 25 plus hauts cadres. L’affaire s’est mal passée et Kieran Looney a été remercié après un an de travail, empochant au passage 4 millions de livres (environ 5,8 millions de francs).

 

Lors du procès qu’il a ensuite intenté à Trafigura – et qu’il a perdu – le consultant a décrit une entreprise en crise de croissance, ayant grandi trop vite pour ses structures relativement minces, avec «trop de latitude individuelle» et un «langage relâché» au sein du personnel.

L’emprise exercée par Claude Dauphin sur la société se fait sentir dans les documents produits lors du procès. Dans un courriel adressé à Kieran Looney, le directeur financier de Trafigura, Pierre Lorinet, insiste ainsi pour que «Claude» soit mis au courant d’un défaut du programme de coaching: «Il serait très dommageable qu’il le découvre par lui-même (et il le découvrira).»

Trafigura a réfuté le diagnostic dressé par le consultant, et dit n’avoir jamais connu de crise de croissance. Quant à Claude Dauphin, il détiendrait aujourd’hui moins de 20% du capital. Selon Pierre Lorinet, «sa succession sera planifiée le jour où la question se posera, ce n’est pas un sujet tabou, ou immédiat».

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MATIÈRES PREMIÈRES Lundi3 juin 2013 Trafigura, un groupe sans patrie?Sylvain Besson

Eclatée entre plusieurs nationalités, l’entreprise de matières premières mérite tout de même son label suisse

 

Pas facile de savoir à quel pays se rattache le groupe Trafigura. Juridiquement et fiscalement, c’est une société néerlandaise. Mais sa principale base opérationnelle est à Genève, alors que sa division de négoce pétrolier a été déplacée à Singapouren 2012. Le siège historique se trouve à Lucerne, et la société mère du groupe, baptisée Farringford NV, est enregistrée àCuraçao. Les têtes dirigeantes de l’entreprise sont surtout françaises et britanniques, alors que les noms anglais et néerlandais dominent chez les cadres supérieurs. Très peu de Suisses, en revanche. Mais cela n’empêche pas Trafigura de mériter le label helvétique qui lui est souvent attribué, estime une personne en contact régulier avec le groupe: «Je les trouve très suisses par leur esprit mercenaire, apolitique, c’est le business et rien d’autre.»

Si l’on s’en tient au domicile de ses fondateurs, Trafigura reste solidement ancrée à Genève: son président, Claude Dauphin, possède une vaste propriété dans un des quartiers les plus exclusifs de la Rive gauche. En 2012, il a fait don d’une maison située à Choulex (GE), valant plus de 17 millions de francs, à son fils Guillaume, qui siège dans l’entreprise familiale de traitement de déchets, Guy Dauphin Environnement .

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MATIÈRES PREMIÈRES Lundi3 juin 2013 Métier à risquesSylvain Besson

Les géants du négoce doivent relever un défi douloureux: passer de l’opacité à la transparence

 

Ils sont riches et puissants, mais les traders en matières premières ont un problème d’image. Peu de gens comprennent ce qu’ils font, et ils évoluent depuis des décennies dans l’opacité. Habitués à définir leurs propres règles, ils sont mal préparés au vent de transparence qui souffle sur le secteur. Cette évolution concerne au premier chef la Suisse, devenue le bastion de cette industrie.

La pression sur les traders vient de plusieurs directions. Les Etats s’intéressent de plus près au fonctionnement de ces entreprises devenues névralgiques pour l’économie globale. Médias et ONG tentent de percer le secret qui entoure leurs opérations. Cette curiosité est bienvenue, car l’activité de négoce comporte des risques majeurs. Les contrats pétroliers, par exemple, ont longtemps fait l’objet d’arrangements incestueux entre décideurs étatiques et négociants. On ne peut plus justifier que ces transactions, qui se chiffrent en milliards, soient gardées secrètes. Le danger de corruption et de détournement de fonds, qui s’est abondamment matérialisé dans le passé, est trop grand.

Loin d’ignorer les critiques, les géants du négoce, du moins leurs nouveaux préposés aux «affaires publiques», semblent sincèrement inquiets, soucieux de changer, de faire des propositions, et c’est en soi nouveau. L’évolution est à saluer, même s’il s’agit aussi de gagner les faveurs de l’opinion pour éviter de se voir imposer, à terme, des règles comparables à celles qui corsètent le monde financier.

Définir des normes de transparence à la fois applicables et susceptibles de faire la différence sera difficile. Confrontés à une concurrence féroce, les traders ont un besoin vital de discrétion, qu’il s’agira de ménager. Et des règles limitées à un seul pays – la Suisse, par hypothèse – seraient facilement contournées, en délocalisant les transactions sensibles vers des places moins regardantes.

La nouvelle ère qui s’ouvre réservera des moments douloureux aux traders. Des squelettes vont sortir des placards. Les professionnels du négoce ont des raisons d’être fiers de leur métier, qui a stimulé le prodigieux décollage des pays émergents. Ils devront aussi en assumer, le moment venu, le côté obscur.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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La banque Goldman Sachs reste au-dessus des lois | Mediapart #banksters + documentaire Arte 1h12

La banque Goldman Sachs reste au-dessus des lois | Mediapart #banksters + documentaire Arte 1h12 | Infos en français | Scoop.it

voir aussi cet excellent documentaire Arte de 1h12 : http://www.youtube.com/watch?v=YNkezcQNeBU

 

 

"C’est une bien étrange manière de marquer le cinquième anniversaire du début de la crise financière : Goldman Sachs, la banque qui symbolise toutes les déviances de Wall Street et du monde financier, ne sera pas inquiétée par la justice. Les autorités fédérales américaines ont annoncé, jeudi 9 août, qu’elles avaient clos les enquêtes menées sur le géant bancaire. « Il n’y a pas de base solide pour engager une procédure criminelle contre la banque ou ses employés», a expliqué le ministère de la justice.

Le dossier, pourtant, semblait épais. Il portait sur le sujet le plus emblématique de la crise : les agissements de la banque sur le marché des subprimes, ces produits à l’origine du déclenchement de la crise. Le président de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, était même soupçonné de parjure pour avoir menti sous serment devant les sénateurs américains.

La justice américaine s’était saisie du dossier après une enquête particulièrement destructrice d’une commission sénatoriale sur les origines de la crise financière. Pendant dix-huit mois, elle avait entendu de nombreux témoins, auditionné les principaux responsables bancaires, décortiqué des milliers de documents et de courriels internes. Dans

un très long rapport, ils avaient mis à nu toutes les dérives de Wall Street, pour finir par un constat accablant : « La crise n'a pas été le résultat d'une catastrophe naturelle, mais celui de produits financiers complexes et à haut risque ; de conflits d'intérêts tenus secrets et de l'échec des régulateurs, des agences de notation et du marché lui-même à brider les excès de Wall Street. »
Goldman Sachs tenait dans ce rapport une place de choix. Les sénateurs y confirmaient les révélations de la presse, notamment celles de Michael Lewis dans son ouvrage The big short (Le casse de siècle dans son édition française), sur le rôle de la banque dans le marché hypothécaire immobilier. Avec la Deutsche Bank, dont le poids a été aussi prépondérant dans cette affaire, Goldman Sachs a été l’acteur principal de toute l’invention financière –CDO, RMBS, CDS– dont on découvrira la toxicité par la suite. Durant les belles années, la banque a émis pour plus de 100 milliards de dollars de produits titrisés sur l’immobilier.

Maximiser le profit
Dès décembre 2006, Goldman Sachs voit les signes annonciateurs de la catastrophe: les défaillance des ménages, incapables d'honorer leurs mensualités, se multiplient. A cette date, Goldman détient plus de 15 milliards de dollars de subprimes et de produits titrisés en portefeuille. L’ordre est donné de vendre à tout prix. La banque invente notamment le fonds Abacus, où elle met une partie de ses produits toxiques, qu’elle s’empresse de vendre à ses clients. Pendant ce temps, Goldman Sachs spécule à la baisse sur les mêmes produits. La tromperie générale est organisée.

Lloyd Blankfein© Reuters
Durant les auditions, les sénateurs découvriront l’envers du décor : le fameux trader Fabrice Tourre, qui se présente comme dans ses mails comme un génie du mensonge ; les courriels internes de la banque où les différents traders utilisent le terme de «rats» pour parler de leurs clients, ou de « volaille à plumer » lors du scandale du Libor. D’une mine contrite, Lloyd Bankfein, qui se présentait quelques mois auparavant comme le banquier qui faisait l’œuvre de Dieu, assura la main sur le cœur aux sénateurs qu’il n’était au courant de rien, et qu’il regrettait profondément ces agissements non conformes à la culture de la banque.
Et pourtant, l’enquête sénatoriale prouvera que la direction de Goldman Sachs ne pouvait rien ignorer. Dès décembre 2006, le département « crédits hypothécaires et subprimes » avait été placé sous le pilotage direct de la direction générale de Goldman Sachs, qui surveillait au jour le jour l'évolution de la situation. En quelques mois, l’exposition de la banque sur les subprimes tombe de 15 à 2 milliards de dollars. Pendant ce temps, ses positions de vente à découvert sur les mêmes produits passent de 1 à 13,6 milliards de dollars. En novembre 2007, Lloyd Blankfein écrit un mail éloquent à ce sujet aux principaux responsables de la banque :« Nous n'avons pas été totalement épargnés par le désordre des subprimes. Mais nos pertes ont été largement compensées par nos gains sur les ventes à terme. »

exposition de Goldman Sachs aux subprimes© rapport du sénat américain
Quant au changement de comportement de la banque, seuls les naïfs y croient. Dans une lettre de démission incendiaire, publiée dans le New York Times, un salarié résumait les « grands principes » d’un Goldman Sachs, obnubilé par sa propre richesse.« La banque a changé sa façon de penser le leadership (…) Aujourd’hui, si vous faites assez d’argent pour l’entreprise , vous serez placé en position d’influence », écrit-il. « Il a trois moyens rapides de devenir un dirigeant : a) persuader les clients d’investir dans des titres ou des produits dont vous essayez de vous débarrasser parce qu’ils sont jugés pas assez profitables ; b) amener vos clients à négocier un quelconque produit qui rapportera le maximum de profit à Goldman ; c ) vous trouver vous-même sur un siège où votre travail est de négocier n’importe quel produit illiquide et opaque avec un acronyme de trois lettres », dénonce-t-il.

Malgré ces lourdes charges, le ministère de la Justice indique qu’il« est arrivé à la conclusion que la charge de la preuve pour mener une procédure judiciaire était insuffisante, compte tenu de la loi et des faits, tels qu’ils apparaissent actuellement ». En d’autres termes, la justice n’a pas suffisamment les moyens légaux pour engager une action en justice. Le ministère souligne, toutefois, qu’il est prêt à rouvrir le dossier, si des éléments nouveaux apparaissent.

Personne n'est en prison»
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Goldman Sachs a appris le même jour, que la SEC, l’autorité boursière de New York, refermait, sans donner suite, une autre enquête sur ses ventes de produits titrisés. La banque était accusée d’avoir vendu d’autressubprimes en décembre 2006, en trompant ses clients. Mais là encore, la SEC n’a rien trouvé à redire.

« Nous sommes très contents de voir ce sujet derrière nous », s’est félicité un porte-parole de la banque. Comment ne pas l’être ! Elle a échappé à tout. Goldman Sachs s’est juste acquitté d’une amende de 500 millions de dollars en 2009 auprès de la SEC pour couper court à une action judiciaire sur ses agissements dans lessubprimes. La seule action au civil, qui est encore en cours, est menée contre son trader Fabrice Tourre.

Les commentaires ont été nombreux sur les sites de presse américians à la suite de la publication de cette information. Certains rappellent avec insistance que Goldman Sachs est un grand donateur des campagnes présidentielles. Comme le reconnaissait avec cynisme un trader de la banque, interrogé par la BBC, à l’automne dernier : « Ce ne sont pas les gouvernements qui dirigent le monde. C’est Goldman Sachs qui dirige le monde », avant d’ajouter qu’il espérait une récession, « car il y avait beaucoup d’argent à se faire en cas de crise ».

La décision du ministère de la justice, en tout cas, paraît lourde de conséquences. Wall Street va continuer à jouir d’une totale immunité. « Ces annonces sont aussi les dernières indications que les enquêtes fédérales sur la crise financière faiblissent, alors que le temps de la prescription approche », note le New York Times. « Depuis le début de la crise, personne n'est en prison », n’a cessé de s’affliger Charles Ferguson, réalisateur du documentaire Inside Job, dévoilant toutes les turpitudes de Wall Street. Les derniers événements lui donnent malheureusement encore raison.

 

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La banque Goldman Sachs reste au-dessus des lois | Mediapart #banksters + documentaire Arte 1h12

La banque Goldman Sachs reste au-dessus des lois | Mediapart #banksters + documentaire Arte 1h12 | Infos en français | Scoop.it

voir aussi cet excellent documentaire Arte de 1h12 : http://www.youtube.com/watch?v=YNkezcQNeBU

 

 

"C’est une bien étrange manière de marquer le cinquième anniversaire du début de la crise financière : Goldman Sachs, la banque qui symbolise toutes les déviances de Wall Street et du monde financier, ne sera pas inquiétée par la justice. Les autorités fédérales américaines ont annoncé, jeudi 9 août, qu’elles avaient clos les enquêtes menées sur le géant bancaire. « Il n’y a pas de base solide pour engager une procédure criminelle contre la banque ou ses employés», a expliqué le ministère de la justice.

Le dossier, pourtant, semblait épais. Il portait sur le sujet le plus emblématique de la crise : les agissements de la banque sur le marché des subprimes, ces produits à l’origine du déclenchement de la crise. Le président de Goldman Sachs, Lloyd Blankfein, était même soupçonné de parjure pour avoir menti sous serment devant les sénateurs américains.

La justice américaine s’était saisie du dossier après une enquête particulièrement destructrice d’une commission sénatoriale sur les origines de la crise financière. Pendant dix-huit mois, elle avait entendu de nombreux témoins, auditionné les principaux responsables bancaires, décortiqué des milliers de documents et de courriels internes. Dans

un très long rapport, ils avaient mis à nu toutes les dérives de Wall Street, pour finir par un constat accablant : « La crise n'a pas été le résultat d'une catastrophe naturelle, mais celui de produits financiers complexes et à haut risque ; de conflits d'intérêts tenus secrets et de l'échec des régulateurs, des agences de notation et du marché lui-même à brider les excès de Wall Street. »
Goldman Sachs tenait dans ce rapport une place de choix. Les sénateurs y confirmaient les révélations de la presse, notamment celles de Michael Lewis dans son ouvrage The big short (Le casse de siècle dans son édition française), sur le rôle de la banque dans le marché hypothécaire immobilier. Avec la Deutsche Bank, dont le poids a été aussi prépondérant dans cette affaire, Goldman Sachs a été l’acteur principal de toute l’invention financière –CDO, RMBS, CDS– dont on découvrira la toxicité par la suite. Durant les belles années, la banque a émis pour plus de 100 milliards de dollars de produits titrisés sur l’immobilier.

Maximiser le profit
Dès décembre 2006, Goldman Sachs voit les signes annonciateurs de la catastrophe: les défaillance des ménages, incapables d'honorer leurs mensualités, se multiplient. A cette date, Goldman détient plus de 15 milliards de dollars de subprimes et de produits titrisés en portefeuille. L’ordre est donné de vendre à tout prix. La banque invente notamment le fonds Abacus, où elle met une partie de ses produits toxiques, qu’elle s’empresse de vendre à ses clients. Pendant ce temps, Goldman Sachs spécule à la baisse sur les mêmes produits. La tromperie générale est organisée.

Lloyd Blankfein© Reuters
Durant les auditions, les sénateurs découvriront l’envers du décor : le fameux trader Fabrice Tourre, qui se présente comme dans ses mails comme un génie du mensonge ; les courriels internes de la banque où les différents traders utilisent le terme de «rats» pour parler de leurs clients, ou de « volaille à plumer » lors du scandale du Libor. D’une mine contrite, Lloyd Bankfein, qui se présentait quelques mois auparavant comme le banquier qui faisait l’œuvre de Dieu, assura la main sur le cœur aux sénateurs qu’il n’était au courant de rien, et qu’il regrettait profondément ces agissements non conformes à la culture de la banque.
Et pourtant, l’enquête sénatoriale prouvera que la direction de Goldman Sachs ne pouvait rien ignorer. Dès décembre 2006, le département « crédits hypothécaires et subprimes » avait été placé sous le pilotage direct de la direction générale de Goldman Sachs, qui surveillait au jour le jour l'évolution de la situation. En quelques mois, l’exposition de la banque sur les subprimes tombe de 15 à 2 milliards de dollars. Pendant ce temps, ses positions de vente à découvert sur les mêmes produits passent de 1 à 13,6 milliards de dollars. En novembre 2007, Lloyd Blankfein écrit un mail éloquent à ce sujet aux principaux responsables de la banque :« Nous n'avons pas été totalement épargnés par le désordre des subprimes. Mais nos pertes ont été largement compensées par nos gains sur les ventes à terme. »

exposition de Goldman Sachs aux subprimes© rapport du sénat américain
Quant au changement de comportement de la banque, seuls les naïfs y croient. Dans une lettre de démission incendiaire, publiée dans le New York Times, un salarié résumait les « grands principes » d’un Goldman Sachs, obnubilé par sa propre richesse.« La banque a changé sa façon de penser le leadership (…) Aujourd’hui, si vous faites assez d’argent pour l’entreprise , vous serez placé en position d’influence », écrit-il. « Il a trois moyens rapides de devenir un dirigeant : a) persuader les clients d’investir dans des titres ou des produits dont vous essayez de vous débarrasser parce qu’ils sont jugés pas assez profitables ; b) amener vos clients à négocier un quelconque produit qui rapportera le maximum de profit à Goldman ; c ) vous trouver vous-même sur un siège où votre travail est de négocier n’importe quel produit illiquide et opaque avec un acronyme de trois lettres », dénonce-t-il.

Malgré ces lourdes charges, le ministère de la Justice indique qu’il« est arrivé à la conclusion que la charge de la preuve pour mener une procédure judiciaire était insuffisante, compte tenu de la loi et des faits, tels qu’ils apparaissent actuellement ». En d’autres termes, la justice n’a pas suffisamment les moyens légaux pour engager une action en justice. Le ministère souligne, toutefois, qu’il est prêt à rouvrir le dossier, si des éléments nouveaux apparaissent.

Personne n'est en prison»
Une bonne nouvelle n’arrivant jamais seule, Goldman Sachs a appris le même jour, que la SEC, l’autorité boursière de New York, refermait, sans donner suite, une autre enquête sur ses ventes de produits titrisés. La banque était accusée d’avoir vendu d’autressubprimes en décembre 2006, en trompant ses clients. Mais là encore, la SEC n’a rien trouvé à redire.

« Nous sommes très contents de voir ce sujet derrière nous », s’est félicité un porte-parole de la banque. Comment ne pas l’être ! Elle a échappé à tout. Goldman Sachs s’est juste acquitté d’une amende de 500 millions de dollars en 2009 auprès de la SEC pour couper court à une action judiciaire sur ses agissements dans lessubprimes. La seule action au civil, qui est encore en cours, est menée contre son trader Fabrice Tourre.

Les commentaires ont été nombreux sur les sites de presse américians à la suite de la publication de cette information. Certains rappellent avec insistance que Goldman Sachs est un grand donateur des campagnes présidentielles. Comme le reconnaissait avec cynisme un trader de la banque, interrogé par la BBC, à l’automne dernier : « Ce ne sont pas les gouvernements qui dirigent le monde. C’est Goldman Sachs qui dirige le monde », avant d’ajouter qu’il espérait une récession, « car il y avait beaucoup d’argent à se faire en cas de crise ».

La décision du ministère de la justice, en tout cas, paraît lourde de conséquences. Wall Street va continuer à jouir d’une totale immunité. « Ces annonces sont aussi les dernières indications que les enquêtes fédérales sur la crise financière faiblissent, alors que le temps de la prescription approche », note le New York Times. « Depuis le début de la crise, personne n'est en prison », n’a cessé de s’affliger Charles Ferguson, réalisateur du documentaire Inside Job, dévoilant toutes les turpitudes de Wall Street. Les derniers événements lui donnent malheureusement encore raison.

 

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Les dérives du capitalisme financier - Idées - France Culture #podcast #corruption #banques

Les dérives du capitalisme financier - Idées - France Culture #podcast #corruption #banques | Infos en français | Scoop.it

Alors que la City de Londres est secouée ces jours-ci par l’immense scandale de la banque britannique Barclays, Jean-Marie Colombani et Jean-Claude Casanova se penchent cette semaine sur les dérives du capitalisme financier : s’est-il amendé depuis la crise ? A-t-on mis en place davantage de régulations ?
En compagnie de Gonzague de BILIGNIÈRES, membre du conseil de surveillance et du comité d'investissement d'Equistone Partners Europe (ex-Barclays Private Equity), d’Éric LE BOUCHER, rédacteur en chef d'Enjeux-Les Echos et de Marc ROCHE, correspondant à Londres du journal Le Monde.
Invité(s) :
Gonzague De Blignières, membre du conseil de surveillance et du comité d'investissement d'Equistone Partners Europe
Marc Roche, correspondant du Monde à Londres
Eric Le Boucher, rédacteur en chef d'Enjeux-Les Echos et éditorialiste à Slate.fr
Thème(s) : Idées| Economie| Débat| Finance| banques| capitalisme financier| City de Londres| crise financière| Libor| regulation financiere| scandale Barclays| trader

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