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Pouvoir des #lobbies en #Europe : l’entretien avec #CEO pour tout comprendre - 30 mn - #corruption #UE #EU

Pouvoir des #lobbies en #Europe : l’entretien avec #CEO pour tout comprendre - 30 mn - #corruption #UE #EU

Ajoutée le 27 nov. 2016

Pouvoir des lobbies en Europe : notre entretien avec Lora Verheecke et Martin Pigeon, deux chercheurs de CEO, spécialistes de l’influence des lobbies à Bruxelles.
►► SOUTENIR NOTRE TRAVAIL : http://bit.ly/tipeeeosonscauser
► Sources de la vidéo : http://www.corporateeurope.org
► S'abonner : http://bit.ly/osonssabonner

========= Plan de la vidéo =========

01:15 C’est quoi un bon lobbyiste ?
02:02 C’est quoi le lobbying ?
02:37 Comment on oriente une loi ?
04:14 Combien de député posent les amendements des lobbyistes ?
05:20 Comment se décide une loi en Europe ?
06:06 Quelle est l’étape la plus cruciale pour le lobbyiste ?
08:50 Lobbying : quels moyens pour les différents acteurs ?
11:07 D’autres exemples de ce parti pris ?
12:52 On peut « acheter » un dirigeant européen ?
14:30 Et les ONG font ça aussi ?
16:46 Ca concerne aussi les fonctionnaires européens ?
18:28 Le TAFTA, un exemple de lobbying ?
22:34 Une science aux mains des lobbies ?
25:16 Que fait l’Europe pour contrôler les lobbies ?
27:38 Alors d’après vous, que faire ?


Dans cette vidéo, vous apprendrez qui sont les lobbies en Europe, comment ils travaillent, comment ils influencent la loi et les décideurs, quelle est la meilleure manière de se mettre un décideur dans la poche. Vous apprendrez beaucoup sur les rouages de la Commission et du parlement européens. Vous apprendrez les dessous de TAFTA, du tabac, du sucre et de l’obésité, et bien d’autres choses encore.

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Les banques, championnes de l'opacité | Mediapart #lobbying #corruption #multinationales #secteurbancaire

Les banques, championnes de l'opacité | Mediapart #lobbying #corruption #multinationales #secteurbancaire | Infos en français | Scoop.it

On s’en doutait. Mais le rapport de Transparency internationalpublié ce 10 juillet sur les pratiques des très grands groupes ne laisse plus l’ombre d’une illusion : peu de choses ont changé au cours des dernières années, malgré la crise. Les multinationales restent encore trop souvent des boîtes noires.

« Les 105 plus grandes compagnies mondiales valent plus de 11 mille milliards de dollars. Elles influencent la vie des peuples partout dans le monde. Mais que savons-nous de leur impact sur la vie quotidienne ? Trop souvent, les citoyens ne bénéficient que très faiblement de cette activité économique globale, tandis qu’ils doivent supporter les conséquences d’un comportement non éthique de ces grands groupes », pointe l’ONG.

« Les multinationales restent une part importante du problème de la corruption dans le monde », souligne Cobus de Swardt, directeur de Transparency international. « Le temps est venu pour elles de participer aux solutions. Pour cela, elles ont besoin de profondément changer. Elles doivent publier plus d’informations sur les méthodes pour réduire la corruption et aussi s’expliquer sur leur organisation, sur les flux financiers dans les pays où elles travaillent. »

Même si les informations données par les grands groupes sont plus nombreuses que par le passé, il reste d’immenses zones d’ombre. Ainsi, tous ont des dizaines voire des centaines de filiales dans le monde entier, soit parce qu’elles y exercent vraiment, soit pour des raisons fiscales. Suivre les flux financiers permet de se faire une idée de la façon dont ces grands groupes travaillent. Mais manifestement, ceux-ci n’ont guère envie de trop s’étendre sur leurs pratiques : sur les 105 groupes analysés, 78 ne publient pas la liste complète de leurs filiales.

De même, ils se montrent d’une totale discrétion sur leurs activités et leurs flux financiers. Transparency international pointe ainsi que 50 groupes sur les 105 ne publient pas les chiffres d’affaires réalisés dans leurs différentes implantations à l’étranger et que 89 ne donnent pas les impôts payés dans les pays étrangers. Enfin, 39 ne publient même aucune donnée financière dans les pays où ils opèrent.

« Quand ces chiffres ne sont pas publiés, il est difficile de demander des comptes aux gouvernements sur la façon dont ils utilisent les revenus obtenus des multinationales », insiste l’ONG, revenant ainsi au débat très actuel sur la conduite de la crise de l’euro. « Les données des multinationales dans les pays en crise dans la zone euro, par exemple, sont très insuffisantes. 65 des 105 grands groupes que nous avons étudiés, sont implantés en Espagne, mais seulement trois publient les impôts payés dans ce pays. En Grèce, pas un des 43 groupes qui y travaillent ne rend public les impôts payés dans le pays. » Voilà qui sera peut-être une nouvelle source de réflexion pour les responsables européens.

Circuits bancaires opaques
Parce qu’ils ont été sous le feu des critiques ces dernières années, les grands groupes miniers et pétroliers s’astreignent désormais à une meilleure transparence, afin de briser l’image d’opacité et les soupçons de corruption. Le groupe pétrolier norvégien Statoil arrive ainsi en tête pour la qualité de ses informations dans le classement établi par Transparency. Sur les dix premiers groupes, six sont soit miniers, soit pétroliers. Toutefois, Total n'est encore qu’au 46e rang du classement.

À l’autre bout du classement, se retrouve l’ensemble du secteur bancaire et financier. L’étude montre que les banques et les assurances sont les groupes qui délivrent le moins d’informations sur les pratiques et les mesures anti-corruption qu’elles ont adoptées, alors que « les structures opaques ont joué un rôle essentiel dans les récentes crises financières », écrit l’ONG.

Le résultat moyen des programmes anti-corruption dans le secteur est de 56 %, soit le plus bas résultat de tous les groupes, note le rapport. La présence de quatre banques chinoises, qui ne publient rien sur le sujet, explique en partie cette note basse. Mais Transparency montre que les groupes financiers restants sont tous en dessous de la moyenne. « Certaines institutions financières expliquent que ces programmes anti-corruption doivent être gardés confidentiels pour obtenir un avantage compétitif », expliquent les rapporteurs. L’argument ne les a pas convaincus. Et c’est sans doute aussi au nom de la concurrence, que la moitié des établissements financiers ne donnent aucun chiffre de revenus, de bénéfices ou d’impôt dans les pays dans lesquels ils travaillent, préférant noyer le tout dans une masse consolidée.

« Si et quand les institutions financières échouent à s’auto-réguler, les régulateurs gouvernementaux doivent s’impliquer. Et là où les régulations volontaires ou imposées échouent, les enquêteurs et la société civile doivent élever la voix et exiger une plus grande transparence », insiste Transparency.

Mais quelle chance a cette recommandation de voir le jour ? Faible voire nulle, si on en croit une autre étude, publiée lundi par une autre fondation anglaise, the Bureau of investigative journalism, sur les activités de lobbying des banques et de la City pour défendre leur cause. Pour la seule année 2011, l’ensemble du secteur financier britannique ou installé à Londres – car on retrouve parmi les généreux donateurs BNP Paribas ou Deutsche Bank – a dépensé 92,8 millions de livres (117 millions d’euros) dans des activités de lobbying.

Un lobbying financier démultiplié
Plus de 129 organisations, comprenant les banques mais aussi les cabinets d’avocats, des associations, ont été mobilisées. La fondation estime que plus de 800 personnes ont été impliquées d’une façon ou d’une autre pour plaider les causes du secteur financier. A l’autre bout, plus de 120 parlementaires ont des relations directes avec les groupes financiers. Le président de la City of London Corporation, le plus vieux district de la capitale britannique, a été reçu 22 fois en quatorze mois par le ministre des finances, George Osborne, et d'autres responsables gouvernementaux chargés des finances.

Résultat ? Selon la fondation, ces activités de lobbying ont été des plus payantes. Le secteur financier a réussi à abaisser les impôts sur les sociétés, à bloquer les règlements européens sur la spéculation sur les matières premières, à limiter le projet de retraites publiques pour les salariés les moins payés, à enterrer les plans gouvernementaux pour instaurer une nouvelle surveillance sur les sociétés cotées, entre autres. « Dans cette période d’austérité, le lobby financier a été capable d’assurer ses exonérations fiscales et les dispositions législatives qui lui étaient favorables », note le responsable du bureau. Comme chacun peut le constater, les engagements pris par les gouvernements à tous les sommets du G8 et du G20 après le déclenchement de la crise de 2008 sont vraiment respectés : plus rien décidément n’est comme avant.

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Dépenses de #lobbying ds grandes firmes à Bruxelles ont augmenté de 40% dpuis 2012 #UE #EU #Corruption #Europe

Dépenses de #lobbying ds grandes firmes à Bruxelles ont augmenté de 40% dpuis 2012 #UE #EU #Corruption #Europe | Infos en français | Scoop.it

Dépenses de #lobbying ds grandes firmes à Bruxelles ont augmenté de 40% dpuis 2012 #UE #EU #Corruption #Europe

 

"Le site Lobbyfacts.eu lance sa nouvelle mouture, qui rend visible l’évolution des dépenses de lobbying auprès des institutions européennes au fil du temps. Avec un constat sans appel : les dépenses des multinationales à Bruxelles ne cessent d’augmenter, notamment dans des secteurs sujets à controverse comme l’automobile, l’énergie ou le numérique. Les scandales se succèdent, mais l’influence des milieux économiques et de leurs lobbys à Bruxelles ne se dément pas. En témoigne l’évolution des dépenses déclarées au registre de transparence du lobbying mis en place par la Commission et le Parlement européens : + 40% entre 2012 et 2016, de 76 à 106 millions d’euros, pour le « Top 50 » des plus entreprises les plus présentes dans la capitale européenne."

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Comment l'industrie du tabac a enfumé la recherche française | Mediapart

Comment l'industrie du tabac a enfumé la recherche française | Mediapart | Infos en français | Scoop.it

En 1970, un jeune chercheur français exceptionnellement talentueux, formé à l’Institut Pasteur par Jacques Monod, fit accomplir un bond à la neurobiologie en identifiant pour la première fois l’un des récepteurs qui permettent la communication entre les neurones : le récepteur « nicotinique » de l’acétylcholine. Une bonne quarantaine d’années plus tard, le même chercheur, devenu le grand patron de la neurobiologie française, siège au « conseil scientifique stratégique » d’un centre de recherche privé, l’ICM, qui compte parmi ses nombreux donateurs Philip Morris International.
Dans l’intervalle, le découvreur du récepteur nicotinique aura bénéficié, au cours de sa longue carrière, des financements du Council for Tobacco Research (CTR), organisme de lobbying scientifique créé en 1954 par les grands fabricants de tabac, de RJ Reynolds, le fabricant des Camel, et de Philip Morris. Il aura été l’un des « conseillers clef » (« key advisors ») de Targacept, une société essaimée de Reynolds, qui cherche à synthétiser des molécules imitant certains effets de la nicotine pour soigner la maladie d’Alzheimer, le Parkinson ou la schizophrénie. Et il aura publié des dizaines d’articles scientifiques soutenus financièrement par l’industrie du tabac.

Ce chercheur, Jean-Pierre Changeux, est un exemple de l’influence subtile, mais aussi tenace qu’une odeur de tabac froid, que l’industrie cigarettière a cherché à exercer sur la science mondiale en général, et française en particulier. Influence ambivalente, pour le meilleur et pour le pire. Le lobby du tabac a parfois financé des recherches utiles, mais il ne l’a fait que dans son propre intérêt. Avec trois objectifs constants: minimiser les effets nocifs de la cigarette ; les faire apparaître comme complexes et liés à de nombreux facteurs, en particulier génétiques ; et enfin, positiver l’image de la cigarette, notamment en montrant que la nicotine a des effets bénéfiques et pourrait conduire à la découverte de nouveaux médicaments importants.

Cette dernière assertion est probablement exacte. Et les travaux scientifiques de Jean-Pierre Changeux ont été déterminants en la matière.

Lire le détail de ses recherches en dernière page de cet articleou ici
Les travaux dont il est question portent sur la nicotine et les récepteurs du cerveau qui y sont sensibles. Cette recherche intéresse au plus haut point l’industrie du tabac, qui espère en tirer parti pour redorer son image. Elle s’est donc attachée à financer des scientifiques de premier plan, à des fins de relations publiques assez compréhensibles : si des prix Nobel travaillent avec Philip Morris ou Reynolds, c’est bien qu’il s’agit d’entreprises honorables et désireuses de faire progresser le savoir, aux antipodes des cyniques« marchands de mort » dépeints avec une drôlerie féroce dans le film Thank you for smoking.

Une démarche analogue a conduit, dès 1954, Philip Morris et les autres grands fabricants de tabac américains a créer le Council for Tobacco Research (CTR). Il s’agit au départ d’une opération de communication destinée à contrer l’effet des premiers articles établissant un lien entre tabac et cancer. Un document du CTR de l’époque affirme : « Il est important que le public sache que des scientifiques de poids considèrent qu’il n’y a pas de preuve que fumer est la cause du cancer du poumon. »

De 1954 à 1997, le CTR distribuera un total de 282 millions de dollars répartis entre 1 038 chercheurs. Dans la même période, les universités et instituts de recherche américains ont été grassement subventionnés par l’industrie du tabac : l’université Rockefeller a reçu 7,2 millions de dollars de Reynolds et 655 000 dollars de Brown et Williamson. Le Salk Institute, célèbre organisme californien de recherche en biologie, s’est vu attribuer 280 000 dollars par Philip Morris.

En 1995-96, une polémique a éclaté en Californie à la suite de la création d’un Institut des sciences moléculaires (Molecular sciences institute), qui devait être subventionné par Philip Morris à hauteur de 15 millions de dollars sur quinze ans (l’histoire est racontée dans larevue américaineScience). Cela n’a pas empêché ledit institut de se développer et de prospérer, sous la direction de Sidney Brenner, prix Nobel de médecine 2002. La seule restriction a consisté à rendre le financement tabagier moins voyant : au départ, l’organisme devait s’appeler « Philip Morris Institute for Molecular Sciences ».

En France, le financement de la recherche par l’industrie du tabac a été encore plus discret, et ses montants beaucoup moins élevés, quoique non négligeables à l’échelle de nos budgets scientifiques. Les scientifiques concernés sont aussi beaucoup moins nombreux, entre une dizaine et une vingtaine. L’appartenance de Jean-Pierre Changeux à ce club très fermé a été récemment révélée par Le Monde.

Changeux a été financé par le CTR entre 1995 et 1998, mais notre enquête révèle que ses contacts avec l’industrie du tabac sont antérieurs. Nous avons tenté de reconstituer l’historique des relations entre Changeux et l’industrie du tabac, à partir des documents disponibles sur le site Legacy Tobacco documents Library de l’université de Californie à San Francisco. Ce site rassemble plus de 13 millions de documents de l’industrie du tabac (publicité, marketing, correspondances internes aux firmes, rapports sur les activités scientifiques, etc.).

Dans un document daté du 23 janvier 1983, un scientifique de chez Reynolds, Patrick Lippiello, fait un compte rendu d’un colloque del’American society of biological chemists auquel a participé Jean-Pierre Changeux. Lippiello écrit à son patron John Reynolds pour lui signaler que l'exposé de Changeux a été le plus intéressant de la réunion et recoupe « nos propres intérêts dans la pharmacologie des récepteurs » (« our own interests in receptor pharmacology »).

Le message de Lippiello ne semble pas avoir eu de suite immédiate. D’autres rencontres auront lieu, notamment un symposium tenu à Upssala en 1988 sur les récepteurs nicotiniques dans le système nerveux central. Changeux y participe, ainsi que bon nombre de scientifiques importants dans le domaine ; sont également présents Lippiello et des dirigeants de Reynolds, ainsi que des représentants de Swedish Tobacco, et du Council for Tobacco Research. À noter que l’un des sponsors de la réunion est Swedish Tobacco et qu’à l’époque, Lippiello dirige un programme de recherche interne à RJ Reynolds sur les récepteurs de la nicotine.

Changeux retrouve Patrick Lippiello l’année suivante, à l’occasion d’un symposium sur la biologie de la dépendance à la nicotine organisé par la Fondation Ciba. Il se tient à Londres du 6 au 9 novembre 1989. Parmi les participants figure Jon Lindstrom, du Salk Institute, abonné aux financements du CTR depuis 1987. Changeux cosignera plus tard des articles avec lui.

À partir des années 1990 et plus encore la décennie suivante, la publication d’articles sur les récepteurs nicotiniques va augmenter de manière exponentielle. Jean-Pierre Changeux y contribue de manière significative. Il sera d’ailleurs tout au long de sa carrière un auteur scientifique particulièrement productif (selon le serveurPubmed, il a signé entre 1960 et 2012 un total de 551 publications, soit plus de dix par an en moyenne).

Cependant, on ne remarque pas la mention d’un financement par l’industrie du tabac dans les articles signés par Changeux avant 1997-1998. Un tournant semble s’opérer pendant l’été 1994. Le chercheur pastorien se rend à un symposium international sur la nicotine, tenu à Montréal du 21 au 24 juillet. Changeux fait partie du comité consultatif de ce symposium, sponsorisé entre autres par les cigarettiers BAT, Philip Morris, Reynolds, Japan Tobacco ainsi que par le Council for Tobacco Research.

Le 10 août 1994, Changeux écrit au CTR pour solliciter une subvention sur trois ans, avec un premier versement annuel de 85 000 dollars, afin de financer des recherches sur le récepteur nicotinique de l’acétylcholine. La demande officielle, visée par la direction de l’Institut Pasteur, est datée de décembre 1994. Il est également indiqué que pour l’année 1994, le laboratoire de Changeux a disposé au total d’un peu plus de 400 000 dollars de financements provenant de sept organismes (Pasteur, CNRS, Collège de France, Association française contre les myopathies, Human Frontiers Science Program, CEE et Inserm).

Lorsqu’il fait cette demande au CTR, Jean-Pierre Changeux est tout sauf un jeune chercheur débutant en quête de crédits pour démarrer son labo. Il est devenu un grand patron de la recherche, et dispose déjà de multiples sources de financement : professeur au Collège de France et à l’Institut Pasteur, directeur de l’unité de neurobiologie moléculaire à Pasteur, il a présidé le Conseil scientifique de l’Inserm, la Société des neurosciences, et a été membre du conseil scientifique de Pasteur, du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, du « Human Frontier Science Program », etc. Notons qu’il est aussi président du Comité consultatif national d’éthique depuis 1993.

Les commentaires des deux experts du CTR qui examinent la demande de Changeux, les docteurs Abood et Arnason, sont assez révélateurs. « Le soutien dont il dispose déjà est phénoménal, écrit Abood. Néanmoins, il devrait faire partie des chercheurs que nous finançons (“our grantees”). » Et Arnason d’abonder dans son sens : « Changeux est très connu. Nous devons le soutenir même s’il est déjà bien financé. »

Après examen, le CTR accorde à Changeux 65 000 dollars, à renouveler en 1996 et 1997 (donc environ un sixième des crédits annuels du labo). En 1998, le CTR effectue un dernier versement de 25 000 dollars. L’historique de ces versements apparaît sur undocument du CTR.

Il est clair que si le CTR a accepté de financer Changeux, c’est en raison de sa notoriété et des retombées favorables qu’il en espère en termes de communication. Au total, il n’y aura en France que trois scientifiques soutenus par le CTR : entre 1987 et 1994, Donny Strosberg, le collègue pastorien de Changeux qui a participé au séquençage de la protéine du récepteur ; et un médecin de la Pitié-Salpêtrière, Bernard Zalc, de 1994 à 1997. D’autres scientifiques français ont été financés par Philip Morris Europe, mais sans passer par le CTR (nous y reviendrons dans les deux prochains volets de cette enquête).

En 1997, les procès contre l’industrie du tabac aux États-Unis conduisent le CTR a cesser ses activités. Si les financements s’interrompent, les articles continuent de paraître. Pendant les années qui suivent, marquées par les procès américains et le mouvement antitabac qui conduira aux lois limitant les possibilités de fumer en public, Changeux publie une série d’articles estampillés par l’industrie cigarettière. On peut en citer quatre pour l’année 1998, trois en 1999, un en 2000, deux en 2001, un en 2002 (lire sous l'onglet Prolonger de cet article). À chaque fois, l’industrie du tabac n’est qu’une source de financement parmi plusieurs autres.

S’il y a une chose que l’on ne peut reprocher à Changeux, c’est de se montrer sectaire dans le choix de ses sponsors. L’un de ses articles de 1999, paru dans The Journal of Pharmacology and Experimental Therapeutics, est financé à la fois par le cigarettier R.J. Reynolds et le National Institute on Drug Abuse (Institut américain contre l’abus des drogues). Preuve que les contacts entre Changeux et le fabricant des Camel ont fini par se concrétiser. Ils iront plus loin. En 1997, Reynolds a créé Targacept, dirigée par deux anciens de la compagnie, Donald DeBethizy et Patrick Lippiello, dont on a vu qu’il connaît Changeux depuis de longues années.

En 1999, l’organigramme de Targacept mentionne Changeux comme « collaborateur clé ». À la même époque, Targacept a conclu un accord stratégique avec une firme française, Rhône Poulenc Rorer.

Au cours de la dernière décennie, le recours à des financements du lobby du tabac n’a pas disparu, mais il s’est fait de plus en plus discret. Les articles récents de Changeux ne mentionnent pas explicitement l’industrie du tabac. Mais Philip Morris apparaît dans trois articles parus en 2006 et 2007. Deux sont parus dans PNAS(revue de l’Académie des sciences des États-Unis) et un dansBBRC (Biochemical and Biophysical Research Communications).

Il faut ajouter qu'un coauteur de deux des articles, Antoine Taly, a été stagiaire dans l’unité de Changeux entre 2003 et 2006, où il a bénéficié d’une bourse Philip Morris (ce qui est indiqué dans le rapport d’activité 2005 de l’Institut). Par conséquent, Philip Morris contribuait au financement de l’unité de Changeux jusqu’en 2006.

La firme mentionne les trois articles dans un rapport interne de 2009 qui dresse la liste des publications scientifiques associées à un financement par le Programme de recherche externe de Philip Morris (Philip Morris' External Research Program). Antoine Taly a reçu sa bourse au titre de ce programme, de même qu’une autre signataire, Nadine Kabbani, qui a elle aussi effectué un stage dans le labo de Changeux à l’Institut Pasteur.

En 2009, Changeux publie un autre article avec Taly. Cette fois, Philip Morris n’y est pas cité, mais un autre sponsor apparaît, plutôt inattendu : les Laboratoires Servier ! L’article n’a évidemment rien à voir avec le Mediator. Il est paru dans Nature Reviews/Drug discoveries, journal consacré à la recherche sur les médicaments. C’est une revue de détail du foisonnement des recherches visant à produire des médicaments qui ciblent les récepteurs nicotiniques. Avec l’espoir de traiter la maladie d’Alzheimer, le Parkinson, la schizophrénie, la dépression, ou encore l’addiction au tabac.

Parmi les auteurs, outre Changeux et Taly, on compte un autre pastorien et deux chercheurs de l’Institut de recherches Servier. De plus, en fin d’article, Antoine Taly déclare avoir reçu une bourse de Servier pour cette publication. Le conflit d’intérêts est signalé, car l’article fait état, entre autres, de deux molécules expérimentées par le fabricant du Mediator.

Changeux ne mentionne aucun lien d’intérêt, bien que l’article détaille aussi les travaux de Targacept, dont il était un « collaborateur clé » quelques années plus tôt. Sans doute a-t-il pris sa retraite depuis… Une retraite manifestement active. Si la maxime« publish or perish » a un sens, Jean-Pierre Changeux est immortel.

La recherche sur la nicotine peut-elle conduire à la découverte de nouveaux médicaments importants ? Probablement. La nicotine s’est de longue date révélée une piste scientifique intéressante.

Vers 1907, le biochimiste britannique John Newport Langley remarque que la nicotine produit une contraction tonique de certains muscles de grenouille et que cette contraction est abolie par le curare. Langley postule que les neurones qui commandent les muscles communiquent en émettant des signaux chimiques, les neuromédiateurs, qui sont reconnus par des « récepteurs ».

L’hypothèse de départ est que les récepteurs sont spécifiques d’un neuromédiateur donné, lequel agit un peu comme une clé sur une serrure. Mais la spécificité n’est pas totale, et un récepteur peut réagir à d’autres molécules que son neuromédiateur naturel. D'où l'action de la nicotine observée par Langley.

Quelques années plus tard, on identifie un premier neuromédiateur, l’acétylcholine. On va ensuite montrer qu’il existe deux familles de récepteurs de l’acétylcholine, dont l’une réagit aussi à la nicotine, et l’autre à la muscarine. Le récepteur nicotinique est né. Mais son existence restera théorique jusqu’à ce que Changeux réussisse à l'isoler, grâce à une ingénieuse manip faisant appel à l'organe électrique de la torpille et au venin du serpent Bungarus multicinctus (Bongare rayé).

Changeux a raconté en détail comment les hasards de son parcours de jeune chercheur lui ont permis de concevoir cette manip. En particulier, le fait qu’il a effectué en 1967 un stage au laboratoire de David Nachmansohn, à l’université Columbia de New York, où il a appris à disséquer l’organe électrique des poissons comme la torpille ou le gymnote.

L’étape suivante s’est produite en 1979. Avec deux autres chercheurs de l’Institut Pasteur, Anne Devillers-Thiery et Donny Strosberg (décédé en 2012), Changeux réussit à établir une petite partie de la séquence de la protéine du récepteur nicotinique. Aujourd’hui, les automates de séquençage réalisent ce type d’opération à une cadence industrielle. Mais ce résultat modeste selon les critères actuels eut, selon Changeux, « une portée considérable », car « on disposait désormais d’une “carte d’identité chimique” du récepteur ».

Les travaux de Changeux et de ses collègues ont constitué un progrès considérable en neurobiologie, mais ils ont aussi très vivement intéressé les médecins et chercheurs travaillant sur les effets de la nicotine et la dépendance au tabac : le récepteur nicotinique de l’acétylcholine apparaissait en effet comme la clé de l’action de la nicotine sur le cerveau.

Or, si elle induit une dépendance, la nicotine est aussi un stimulant cognitif et pourrait avoir un effet protecteur sur les neurones. « Le fait que la nicotine augmente les performances cognitives encourage la conception de médicaments nicotiniques visant à remédier aux pathologies cognitives, en dépit du fait que ces médicaments sont associés à la dépendance », écrit Changeux dans un article paru en 2008.

Les études sur les récepteurs nicotiniques ont donné lieu à un foisonnement de recherches destinées à identifier de nouvelles « cibles » pharmacologiques. Depuis une décennie, une pléiade de laboratoires à la pointe de la recherche, et pas seulement Targacept, s’efforcent de créer des médicaments en s’inspirant des récepteurs de la nicotine, tout en essayant de s’affranchir de ses inconvénients.

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